Disparus en Syrie : à Saydnaya, les familles cherchent une trace de leurs proches
Désespérés, les yeux cernés, deux femmes et un homme errent comme des somnambules sur la route menant à la prison de Saydnaya, à une vingtaine de kilomètres de Damas. « Mon fils, Manhal Nuail Salem, avait 15 ans quand ils l’ont arrêté en 2014 », raconte l’une d’eux. « Le mien s’appelle Youcef Abdallah Jassem. Nous sommes de Mazraat Al-Nafour, il a été enlevé en 2018 », ajoute une autre. « Mon fils s’appelle Ahmed Al-Majari, arrêté en 2018 aussi… Un voisin libéré en 2021 m’a assuré qu’il l’avait vu en vie… »
Au lendemain de la chute du régime, des milliers – peut-être des dizaines de milliers – de familles de disparus se pressent aux abords et dans Saydnaya, mues par un fol espoir : la présence de milliers de détenus dans les sous-sols de l’enceinte. Dans la détresse et en larmes, une lente procession s’avance sur plusieurs kilomètres, dans l’espoir que le monstre de béton relâche des prisonniers en vie, peut-être un parent englouti par l’enfer carcéral de la famille Al-Assad.
À mesure qu’elles remontent le chemin de terre tracé à travers les fils barbelés et les tranchées qui entourent la prison, située plus haut sur une colline, ces familles découvrent cet endroit si craint, si surveillé, où le réseau téléphonique ne parvient pas. Chaque personne porte en elle l’histoire d’une arrestation, d’une détention, de la disparition d’un père, d’un fils, d’un cousin ou d’un ami. Chaque téléphone renferme le dernier souvenir d’un disparu.
Arrivés devant le bâtiment, des hommes épluchent des fragments de cahiers d’archive à la recherche des noms de leurs proches avant de filer vers le bâtiment principal.
Sur le terrain qui lui fait face, ils sont des centaines à attendre inlassablement, allongés sur le sable, assis à l’ombre d’un arbuste. Debout sur des véhicules de combat d’infanterie de manufacture russe, abandonnés là par les soldats de l’armée face à l’arrivée des forces rebelles, des combattants et des civils s’abandonnent à une bouffée de fierté en se photographiant avec leurs téléphones.
Un tentaculaire réseau de surveillance
À l’entrée, une voiture immatriculée au Liban tente de se frayer un chemin au milieu de la foule. La libération d’un détenu libanais de la prison de Hama après trente-cinq ans de détention a fait renaître un fragile espoir parmi les familles de disparus issus du pays du Cèdre, kidnappés aux checkpoints de l’armée syrienne qui intervenait dans le pays dans les années 1980.
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