A L’Ile-Saint-Denis, restaurer un territoire longtemps pollué

A L’Ile-Saint-Denis, restaurer un territoire longtemps pollué

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Transition écologique : le temps des villes et des territoiresdossier

Près de Paris, l’association Halage travaille à développer la biodiversité sur un terrain utilisé pendant plus de deux siècles pour stocker débris et matériaux. Un projet écologique doublé d’une dimension sociale.

Rénovation, économie d’énergie, écologie… A l’occasion de la consultation internationale «Quartiers de demain» visant à améliorer le cadre de vie des habitants de dix territoires pilotes, retour sur quelques projets pensés comme des laboratoires d’expérimentation.

Il est facile de passer devant sans l’apercevoir, caché derrière de grands arbres, mais on manquerait une belle occasion de découvrir un projet enthousiasmant. Sur le petit territoire fluvial qu’est L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) se situe Lil’O, un «pôle d’activité écologique et citoyenne» de l’association Halage. Sur 3,6 hectares, cette dernière s’est donné pour mission de «restaurer» la friche industrielle qu’a longtemps été ce site.

En 2017, le conseil départemental a racheté ce terrain dont l’histoire est ancienne. Dès le XIXe siècle, lors de la construction de la ville de Paris, alors que le baron Haussmann modernisait et embellissait la capitale, les constructeurs ont choisi L’Ile-Saint-Denis, loin des regards, pour y déverser leurs remblais et débris. Au siècle suivant, c’est l’entreprise de travaux publics Colas qui a utilisé le site pour y stocker divers matériaux. Plus de deux siècles de pollution et d’abandon y ont pratiquement tué les terres. Comme le confirme Quentin Metge, le coordinateur de Lil’O, des études de pollution du sol ont été effectuées après le passage de Colas et il pourrait paraître irrécupérable : «Il y a des métaux lourds, des hydrocarbures, des dioxines et beaucoup de gaz», liste-t-il. De quoi laisser la friche encore plus à l’abandon ? Certainement pas.

La nature reprend ses droits

L’association Halage a remporté, en 2018, un appel à manifestation d’intérêt. Lil’O a signé une convention lui permettant de s’installer pendant dix ans pour «restaurer la biodiversité» sur la friche. La dépollution totale de l’endroit n’est pourtant pas au programme : la terre est bien trop abîmée pour pouvoir prétendre à cette ambition. Au fil du temps, les couches de terres polluées se sont empilées, au point qu’il n’est plus possible de rêver à un retour à zéro. «La pollution fait partie de notre histoire et il faut composer avec», précise d’ailleurs Quentin Metge, ancien ingénieur en électricité.

Lil’O s’est donc donné pour objectif de laisser la nature reprendre ses droits. Et cela fonctionne. Depuis son installation, plusieurs espèces d’oiseaux ont réapparu sur l’ancienne friche, désormais classée zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (Znieff). Parmi les retours notés, Quentin Metge se réjouit notamment de celui du pic épeichette, un tout petit oiseau noir et blanc dont la population avait largement réduit pendant le XXe siècle.

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Quentin Metge a quitté son emploi pendant la pandémie de Covid-19 pour prendre le temps de réfléchir à «ses responsabilités» écologiques et ses envies de s’investir dans de nouveaux projets riches de sens. Après «beaucoup de bénévolat et d’associatif», l’homme, aujourd’hui âgé de 36 ans, s’est formé à l’agriculture urbaine, avec un intérêt poussé pour le social et la transmission. Et lorsque l’opportunité de rejoindre Lil’O s’est présentée, «les planètes se sont alignées», explique-t-il. Ici, il apprécie «le côté multiples casquettes» avec «de l’insertion, de la formation, de la recherche scientifique et de la sensibilisation».

Chantiers d’insertion

L’insertion sociale est une préoccupation majeure de Lil’O, ainsi qu’une source de développement. L’association a mis en place divers projets pour participer au retour à l’emploi sur le département, en misant bien entendu sur la transition écologique et les métiers qui s’y rattachent. Sur place, des champs ainsi qu’une grande serre froide permettent à une quinzaine de personnes en chantiers d’insertion, d’une durée allant de six mois à deux ans, de participer à la culture et à la vente de fleurs pour des entreprises parfois très prestigieuses comme le Ritz ou Roland-Garros. Le tout «livré en véhicule électrique», précise avec fierté Quentin Metge.

Un centre de formation a également été mis en place par Lil’O, directement sur site. Ce mois de décembre signe notamment la fin d’une session de neuf semaines à destination des publics éloignés de l’emploi, pour découvrir les métiers urbains et les nouveaux métiers de la transition écologique. Enfin, Halage a intégré le réseau Ecole de la transition écologique (Etre), à destination des décrocheurs âgés de 16 à 25 ans. Animées par des intervenants externes, comme des menuisiers, des soudeurs ou des spécialistes de l’écoconstruction, ces formations courtes rassemblent jusqu’à quinze élèves.

La biodiversité à la rescousse

Les étés précédents en ont apporté la preuve, si toutefois elle manquait encore : les villes ne sont pas adaptées aux épisodes caniculaires. Tenter de réduire les températures à la seule échelle du bâtiment n’a pas de sens, c’est aussi au niveau de l’espace public que l’avenir se joue. La végétation trouve là un rôle essentiel : elle procure de l’ombre, elle crée de l’évapotranspiration et elle est un refuge à la biodiversité urbaine… Qui dit mieux ?
Augmenter le nombre d’arbres est pourtant loin d’être le seul levier à activer. Mutualiser les fosses d’arbres, par exemple, permet de développer les racines et participe à restaurer le cycle de l’eau. Cela favorise aussi plusieurs strates de végétalisation (basse, moyenne, haute), propices à la biodiversité. Dans beaucoup de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ces actions sont particulièrement précieuses. Les grands ensembles sont en effet sujets aux effets d’îlots de chaleur urbains, car le sol y est largement imperméabilisé (enterrer des parkings coûte cher, on les a donc placés en surface). Mais il y reste des marges de manœuvre : les bâtiments y sont plutôt espacés et les zones dédiées à la voiture peuvent être partiellement débitumées. Ces quartiers ont «les qualités de leurs défauts», observe Franck Boutté, Grand prix de l’urbanisme 2022. Par rapport à des centres-villes denses, il y a souvent davantage de «vide» pour inverser la donne. Reste qu’aujourd’hui, regrette l’urbaniste, l’espace public des quartiers prioritaires de la politique de la ville est «un peu l’oublié» des politiques publiques. Christelle Granja

Libération

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