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Lourd tribut
L’actrice, qui accuse les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon de viol, a expliqué ce lundi sur France Inter, subir «tous les jours» les retombées de ses propos. En cours d’adaptation d’un livre d’Annie Ernaux, la réalisatrice craint de ne pas réussir à financer son prochain film.
Lorsque l’on est une victime, prendre la parole est difficile, et ce n’est pas parce qu’on la prend que tout est réglé. Au contraire. Ce lundi 23 décembre sur France Inter la comédienne Judith Godrèche, figure de MeToo en France a témoigné des répercussions de ses accusations depuis le début de l’année 2024 contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon. Créant une véritable déflagration, la scénariste avait accusé de viols Benoît Jacquot, de 25 ans son aîné, avec qui elle avait débuté une relation à 14 ans et ce, pendant six ans. Elle a porté des accusations similaires à l’encontre de Jacques Doillon, réalisateur, producteur et scénariste français. Des enquêtes sont en cours et les deux cinéastes contestent ces allégations. Depuis la prise de parole qu’elle a fait résonner haut et fort lors de la 49e cérémonie des Césars le 23 février 2024, l’actrice décrit «tous les jours une nouvelle forme de douleur». Difficulté à trouver des financements, sentiment d’abandon : «ce discours a été l’annonce d’une perte qui se confirme un peu plus chaque jour», explique-t-elle à l’antenne.
Prendre la parole à cet instant était une décision réfléchie, fruit de plusieurs années de réflexion tant le prix pouvait être lourd pour l’actrice qui explique que «ces institutions [les cinéastes mis en cause, ndlr] qui ont du pouvoir pour les artistes que nous sommes, ne veulent pas que nous parlions. Et il est évident qu’on ne veut pas se les mettre à dos.» «Si je perds mes financements, mon moyen d’expression et mon gagne-pain alors je serai moi aussi réduite au silence», explique Judith Godrèche. Même si ses prises de parole ont permis à d’autres actrices de s’exprimer à leur tour, elle déplore sa mise au ban par le milieu cinématographique. En pleine adaptation cinématographique d’un livre d’Annie Ernaux, Mémoire de fille, la réalisatrice émet des doutes sur la possibilité d’arriver au bout du projet, tant les soutiens semblent manquer.
Des députés émus aux larmes
Mercredi 18 décembre, l’actrice de 52 ans regrettait déjà devant la commission d’enquête parlementaire sur les violences sexuelles dans le cinéma, n’avoir jamais été contactée par «les personnes de pouvoir» dans le milieu cinématographique depuis ses accusations de viol. «Il n’y a pas une personne de mon passé, qui ait une place établie dans la société du cinéma – donc, entre guillemets, du pouvoir -, il n’y a pas une personne de pouvoir qui m’a écrit depuis que j’ai parlé», a-t-elle témoigné devant les députés, certains émus aux larmes. Selon l’actrice, «ce silence-là dit beaucoup». «Il dit aussi peut-être “j’ai peur”. Il dit “je n’ai pas envie de perdre ma place”. Il dit “moi aussi, je dois slalomer […] pour ne pas me prendre un poteau et être moi aussi recalé à l’arrière du cortège”.»
Depuis ces prises de position, «les seules personnes de ce passé qui m’ont tendu la main sont des personnes qui […] sont, comme on dit, anonymes, en tout cas qui n’ont pas le pouvoir ou qui n’ont rien à perdre […], qui ne sont plus dans ce milieu», décrit-elle. La réalisatrice, dont le court-métrage Moi aussi avait été projeté au dernier Festival de Cannes, a également dit qu’elle espérait «pouvoir continuer de vivre» dans le milieu du cinéma mais a fait part de sa résignation. «Ce système écrase les résistantes», a-t-elle affirmé.
Judith Godrèche a également réagi aux déclarations de Serge Toubiana face à cette même commission. Le mardi 17 décembre, l’ancien patron de la Cinémathèque et ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma avait affirmé qu’il ignorait la relation «intime» entre Judith Godrèche et Benoît Jacquot. Avant de reconnaître en toute fin de session qu’il en était «bien sûr» informé, ayant reçu à l’époque le «couple» à dîner. Face aux députés, Judith Godrèche a accusé Serge Toubiana d’«avoir menti sous serment». «Il savait, tout le monde savait, lui mieux que quiconque», a-t-elle déclaré.
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