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C’est un soulagement pour les familles des prisonniers cubains. «Grâce à Dieu, il est à la maison», a déclaré à l’Agence France Presse l’épouse de José Daniel Ferrer. Emprisonné à deux reprises lors de manifestations massives, en 2003 et en 2021, cet opposant de premier plan, qui a passé près de douze ans de sa vie en prison, a été relâché jeudi 16 janvier.
Avec Ferrer, ce sont 127 prisonniers au total qui ont été remis en liberté depuis mercredi, après l’annonce mardi 14 janvier de la libération de 553 d’entre eux. Cette décision survient juste après un geste décisif accompli mardi par le président sortant américain, Joe Biden, juste avant de céder la place à Donald Trump : il a annoncé le retrait de Cuba de la liste noire des pays soutenant le terrorisme. Sur cette liste figurent encore à ce jour la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie.
Intransigeance prévisible de l’administration Trump
L’accord sur la libération des prisonniers cubains est le fruit de négociations entre l’administration Biden et les autorités de l’île communiste, grâce à la médiation de l’Eglise catholique. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, au Vatican, s’est réjoui de cette nouvelle, qui montre selon lui «un signe de grande espérance en ce début de Jubilé».
Ce n’est pas la première fois que Cuba est retiré de la liste noire dressée par les Etats-Unis : l’administration Obama l’avait déjà fait en 2015, une décision annulée ensuite par Donald Trump juste avant la prise de fonction de Joe Biden en 2021, en symétrie de la décision de ce mardi. L’annonce intervient juste avant l’investiture de Donald Trump, lundi 20 janvier, et l’arrivée à la Maison Blanche de ses partisans ultraconservateurs, qui ont des velléités affichées de remettre l’île sur cette liste noire. Son futur secrétaire d’Etat, Marco Rubio, a rappelé lors de son audience de confirmation, mercredi, que «rien de ce qui a été convenu n’est irréversible ou contraignant pour la nouvelle administration», et a affirmé que Cuba avait entretenu des relations «amicales» avec le Hamas et le Hezbollah, groupes figurant sur la liste des entités considérées comme terroristes par Washington. Rubio, fils d’immigrés cubains farouchement opposés au communisme, a toujours soutenu une politique dure envers l’île. L’embargo économique des Etats-Unis envers Cuba est toujours en vigueur, après soixante-trois ans.
Un millier de prisonniers politiques
Certaines ONG cubaines s’inquiètent cependant du statut des prisonniers libérés. Il «ne s’agit pas d’une amnistie», mais de remises «en liberté conditionnelle», a insisté auprès de l’Agence France Presse (AFP) Leonardo Fernandez, membre de l’ONG Justicia 11, basée en dehors de l’île. Alejandro González Raga, ancien prisonnier politique et directeur exécutif de l’Observatoire cubain des droits de l’homme (OCDH), interrogé par le quotidien El Pais, estime que la déclaration des autorités cubaines est «trop générique, ce qui, pour l’instant, laisse planer plusieurs doutes».
Des ONG et l’ambassade des Etats-Unis à Cuba comptabilisent au total un millier de «prisonniers politiques» sur l’île. L’existence même de prisonniers politiques est réfutée par le gouvernement cubain, qui accuse les opposants d’être des «mercenaires» au service de Washington. Justicia 11 s’est dite inquiète mardi d’un «possible scénario de départs forcés du pays de personnes privées de liberté pour des raisons politiques». Elle rappelle que les détenus cubains «souffrent également du refus ou de l’absence de soins médicaux, d’une nourriture exécrable, de conditions de vie inhumaines et de la torture».
En décembre, le prisonnier politique Manuel de Jesús Guillén avait été retrouvé mort à l’âge de 30 ans en détention. Selon sa famille, il a succombé aux coups donnés par ses geôliers, qui ont, eux, conclu à un suicide. Le jeune homme avait participé aux manifestations massives de juillet 2021 qui avaient essaimé dans toute l’île pour dénoncer la pauvreté endémique et les restrictions des libertés. La répression avait été féroce, les autorités dénonçant un mouvement soutenu par les Etats-Unis, et de nombreux opposants affichés au régime, dont José Daniel Ferrer, avaient été emprisonnés. Ce mouvement populaire est considéré comme le plus important depuis la révolution castriste de 1959.
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