:quality(70)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/liberation/3RUS2BJWLBBNDIESM7GTEMXEWA.jpg)
Vers une extradition du président syrien déchu en France ? L’ancien dictateur Bachar al-Assard, réfugié en Russie depuis le renversement du régime en décembre dernier, est visé depuis lundi 20 janvier par un nouveau mandat d’arrêt pour complicité de crime de guerre, émis par des juges français du pôle «crimes contre l’humanité» du tribunal judiciaire de Paris.
Les faits qui lui sont reprochés remontent au 7 juin 2017. Ce jour-là, le bombardement par des hélicoptères de l’armée syrienne sur une zone d’habitations civiles, à Deraa, tue Salah Abou Nabout, un ressortissant franco-syrien âgé de 59 ans et ancien professeur de français. La justice française estime que Bachar al-Assad était bien le supérieur hiérarchique des hauts gradés militaires accusés d’avoir mené cette attaque, et qu’il en a fourni les moyens.
«L’aboutissement d’un long combat pour la justice»
L’émission de ce mandat fait suite à un réquisitoire du parquet national antiterroriste (Pnat), qui en demandait la délivrance, selon une source proche du dossier. D’après les éléments de l’enquête sur la chaîne de commandement militaire, le Pnat considère que Bachar al-Assad, n’étant plus président en exercice, ne bénéficie plus d’une immunité personnelle, censée le protéger de toute poursuite judiciaire devant des juridictions étrangères. Et il n’est pas le seul : six hauts dignitaires de l’armée syrienne sont déjà visés par des mandats d’arrêt pour complicité de crime de guerre, dans le cadre de cette information judiciaire ouverte en 2018.
«Cette affaire représente l’aboutissement d’un long combat pour la justice, à laquelle moi et ma famille avons cru dès le départ», a déclaré dans un communiqué Omar Abou Nabout, fils franco-syrien de la victime, espérant qu’«un procès aura lieu et que les auteurs seront arrêtés et jugés, où qu’ils se trouvent».
Il s’agit du deuxième mandat d’arrêt émis contre l’ancien président syrien. Le premier, signé en novembre 2023, le vise pour les attaques chimiques imputées à son régime en 2013 : le 5 août à Adra et Douma, faisant 450 blessés et le 21 août dans la Ghouta orientale, où plus de mille personnes, selon les renseignements américains, ont été tuées par du gaz sarin. Mais le ministère public n’approuve pas ce premier mandat d’arrêt. Bien qu’il considère «vraisemblable» la participation de Bachar al-Assad à ces attaques, il conteste au nom de l’immunité personnelle le bien-fondé juridique de ce mandat, émis alors que Bachar al-Assad était encore chef de l’Etat. La Cour de cassation doit examiner le pourvoi du parquet général de la cour d’appel de Paris le 26 mars.
Témoignage
14 mandats d’arrêt
Au total, la justice française a émis 14 mandats d’arrêt contre de hauts dignitaires syriens, selon un décompte de l’AFP. Parmi les personnes visées figurent trois hommes condamnés par défaut à Paris à la réclusion criminelle à perpétuité en mai 2024, pour avoir joué un rôle, du fait de leur place dans la chaîne hiérarchique, dans la disparition forcée et la mort de deux citoyens franco-syriens, Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, arrêtés en 2013.
«Ces avancées doivent maintenant bénéficier aux Syriens, qui sont les plus à même de concevoir le processus de justice transitionnelle en Syrie qu’ils appellent de leurs vœux depuis tant d’années», a réagi dans le communiqué Me Clémence Bectarte, avocate d’Omar Abou Nabout et du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM), parties civiles.
Le 17 janvier, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a rencontré à Damas le nouveau dirigeant syrien, Ahmed al-Charaa, afin d’examiner comment soutenir les efforts des nouvelles autorités en vue de rendre justice pour les crimes commis sous l’ère Assad. Déclenché en 2011 après la répression sanglante de manifestations antigouvernementales, le conflit en Syrie a fait plus d’un demi-million de morts et morcelé le pays.
Leave a Comment