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L’opéra se fait rare au théâtre du Châtelet depuis les années 90 et 2000, quand l’établissement, dirigé par Stéphane Lissner puis par Jean-Pierre Brossmann, affichait complet avec des productions rivalisant avec le meilleur de Garnier et de Bastille. Découvrir une salle clairsemée pour la première d’une nouvelle production du fantastique Orlando, de Haendel, qui n’a pas été donné en version scénique dans la capitale depuis quinze ans, est donc mauvais signe, surtout lorsque l’on sait que la maison n’a pas désempli, cet automne, avec la comédie musicale les Misérables. Pour ceux qui ne l’ont pas vu à Aix ou au théâtre des Champs-Elysées, et qui n’ont pas l’un des enregistrements signés Hogwood, Jacobs, Malgoire, Mackerras, ou Christie, notre favori, rappelons que l’ouvrage est la meilleure adaptation de l’Orlando Furioso de l’Arioste publié en 1516, qu’il narre les déboires tragiques d’un triangle amoureux manipulé par un magicien nommé Zoroastro, et offre une scène de folie et un air de sommeil de pure splendeur.
Phrases bien galbées et couleurs franches
Claveciniste, danseuse, comédienne et directrice d’une compagnie musicale, Jeanne Desoubeaux a choisi de mettre le récit en abyme dans un musée d’aujourd’hui. Alors que leur visite s’achève, des enfants s’y laissent enfermer pour la nuit et observent ébahis les personnages des tableaux et les statues prenant vie. On a déjà vu ça mille fois ? La mise en scène n’est pas toujours lisible et assurée ? Ce n’est pas une raison pour huer une équipe encore jeune, à l’heure des saluts, comme certains l’ont fait. D’autant qu’en fosse, le vétéran Christophe Rousset est au taquet et obtient de ses Talens Lyriques des phrases bien galbées, des couleurs franches et des contrastes dynamiques qui inspirent la distribution vocale. Si le baryton Riccardo Novaro suscite quelques appréhensions, il finit par dompter son registre grave, à l’instar de la mezzo serbe Katarina Bradic, heureusement préférée à un contre-ténor, et qui défend le rôle-titre sans accroc, en dépit d’un grave également très sollicité et du fait qu’elle se remet d’une grippe.
Tout aussi belle à voir et à entendre, Giulia Semenzato déploie son soprano sensuel dans l’élégiaque Se mi rivolgo al prato de la bergère Dorinda, tandis que l’Australienne Siobhan Stagg fait mouche dans le flûté Verdi piante erbette liete comme dans les coloratures furieuses de la Reine Angelica. Enfin, l’Américaine Elisabeth DeShong, qui a la puissance et l’abattage de la légende Marilyn Horne mais qui est dotée d’un timbre autrement plus rond, brillant, et coloré, compose un Medoro surnaturel. Le plus sidérant restant le sourire et l’intelligence dont elle emplit ses délectables Verdi allori et Vorrei poterti amar, prouvant que, même en matière d’opéra, tout n’était pas mieux avant.
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