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Le paradoxe Faïza Mokdar est un condensé des problèmes de riches que connaît cycliquement le judo français. Née en 2001 comme Joan-Benjamin Gaba et Maxime-Gaël Ngayap Hambou, la -57 kg du PSG Judo affiche déjà le palmarès d’une trentenaire. Quadruple championne nationale seniors (dont trois couronnes d’affilée, série en cours), tenante du titre du Grand Chelem de Paris qu’elle remet en jeu ce samedi 1er février, la Francilienne a surtout signé, l’année de ses 16-17 ans, un triplé inédit : championne de France cadettes en avril, juniors en mai et seniors en novembre. Dans n’importe quelle discipline, une telle entrée en matière vaut carte Gold pour représenter la catégorie à l’international. Pas dans le judo féminin tricolore des trois dernières olympiades, capable d’enfanter en interne l’équivalent d’un trio Federer-Nadal-Djokovic dans presque chacune de ses sept catégories de poids – une densité que seul le Japon est aussi en mesure d’offrir.
Toute fracassante qu’elle est, l’éclosion de Mokdar, 23 ans, connaît ensuite son lot de paliers. Le principal ? Un gouffre trop important à son entrée à l’Insep entre le suivi proposé et les besoins spécifiques de cette jeune fille par ailleurs très à l’aise dans ses sneakers, portant le voile dans le civil par fidélité à un cheminement intérieur bien centré. «A l’Insep, elle est au même tarif que tout le monde alors qu’elle n’est pas comme tout le monde», décrypte Nicolas Mossion, pilier du PSG Judo. Il était déjà son entraîneur du temps du pôle de Brétigny, où il avait vite repéré «quelque chose qui se dégageait» de cette collégienne «vive, souriante et décidée», dont les parents ont compris «comment être présents sans être étouffants».
«Nous l’avons fait sortir de l’Insep fin 2023, confirme le Belge Damiano Martinuzzi, son référent désormais en club. Elle revenait d’une longue blessure et avait besoin de moins de volume et d’une approche technique plus individualisée.» Une décision charnière tant sont nombreuses les trajectoires de ces comètes du judo français qui jamais n’auront été au bout de leur plein potentiel, faute d’avoir été correctement aiguillées.
En équipe de France, Mokdar a encore devant elle une autre plieuse de concurrence : Sarah-Léonie Cysique. A 26 ans, cette dernière facture rien qu’en individuel deux podiums olympiques et quatre autres continentaux. Ces deux-là se respectent. Elles ne se sont «prises» qu’une fois à l’international, en 2022 à l’Accor Arena. L’aînée l’avait emporté sur une clé de bras, asseyant un peu plus un leadership que ses deux titres olympiques par équipes n’ont fait que conforter depuis… Au Grand Chelem de Paris 2024, pourtant, c’est Mokdar qui crève l’écran. Cysique, déjà sélectionnée pour les Jeux, prend le bronze et elle l’or.
Coachée ce jour-là avec une pertinence millimétrée par Automne Pavia, ex-taulière de la catégorie elle aussi, Mokdar écœure notamment quatre anciennes numéro 1 mondiales : l’Israélienne Timna Nelson-Levy, la Brésilienne Rafaela Silva, et surtout Jessica Klimkait et Christa Deguchi, les deux meilleures Canadiennes de l’histoire. Deguchi, que Mokdar horizontalise en finale, prendra sa revanche quelques semaines plus tard au Grand Chelem d’Antalya, avant de devenir championne olympique fin juillet. «Mieux vaut perdre tôt dans la saison que quand ça compte vraiment», commente la Canadienne à Libé, l’orgueil malicieux propre à ces fuoriclasse qui s’autorisent à glisser une fois, mais pas deux.
Los Angeles 2028 ? Mokdar et son entourage y pensent avec méthode, en trois temps : «Gagner en concentration, progresser au classement mondial et bien figurer en grands championnats.» Et continuer à apprendre des «grandes sœurs» aux palmarès XXL qu’elle croise au quotidien. «Voir les routines d’entraînement d’une championne comme Marie-Ève Gahié, arriver en avance, bien récupérer… Forcément, c’est inspirant.» En attendant de transmettre à son tour l’héritage d’ici quelques grandes médailles – qui sait ?
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