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Musicothérapie
Dans une revue de littérature publiée par l’«American College of surgeons», des chercheurs soulignent l’intérêt de la musicothérapie pour les patients au lendemain d’une opération. Ils notent une baisse de la sensation de douleur, de l’anxiété, et même de la fréquence cardiaque.
Marcher d’une rue à l’autre les écouteurs vissés dans les oreilles en fredonnant un titre de Taylor Swift, soulever des poids au rythme d’une batterie, ou lire avec en fond une mélodie de piano… Autant dire que la musique ne se cantonne pas aux salles de concert ou scènes de danse et s’intègre dans notre quotidien. Sorte de «bulle» relaxante, capable de nous décharger de nos émotions, elle a même un bénéfice thérapeutique pour les patients venant d’être opérés, comme le soulignent des chercheurs de l’Université de Californie dans une synthèse publiée le 18 octobre par l’American College of Surgeons et présentée lors de son congrès annuel qui se déroule actuellement à San Francisco jusqu’au 22 octobre.
«Quand les patients se réveillent après une chirurgie, ils peuvent être effrayés, ne savent pas où ils sont. La musique peut les aider entre la phase de réveil et le retour à la normale, et réduire le stress lié à cette transition», souligne Eldo Frezza, coauteur de l’étude et professeur de chirurgie. Que les patients aient des écouteurs ou qu’ils profitent d’une chanson diffusée par des enceintes, son équipe note que le simple fait d’écouter de la musique a eu des «effets notables» pendant la période de convalescence. Les chercheurs ont pour ce faire analysé 35 études menées après différents types d’opérations (cardiaque, orthopédique…) et ont uniformisé les données pour se concentrer sur le lendemain de l’intervention.
Ainsi les patients ayant bénéficié d’interludes musicaux ont déclaré des douleurs en moyenne 7 % à 19 % plus faibles. On trouve aussi des bénéfices sur l’anxiété (réduite de 3 % en moyenne) ; quelques études suggèrent même une baisse dans la consommation d’opioïdes (comme la morphine). D’autres recherches concluent à un bénéfice sur le rythme cardiaque, avec une baisse moyenne de 4,5 battements par minute.
Facilement intégrée
Comment l’expliquer ? La musique mobilise différentes régions cérébrales et peut solliciter certaines zones liées à la mémoire, les émotions voire l’attention et la concentration. Les auteurs de l’étude avancent que la réduction du taux de cortisol – hormone du stress – lors de l’écoute pourrait jouer un rôle dans le rétablissement. La musique est aussi intéressante car facilement accessible, peu coûteuse, et ne demande pas beaucoup d’effort à une personne potentiellement affaiblie par une chirurgie. «L’écoute de la musique est une expérience plus passive et peut être intégrée par les patients sans trop de frais ni d’efforts, presque immédiatement après l’opération», remarque encore Eldo Frezza.
L’idée intéresse aussi en France. Une équipe de l’hôpital parisien Louis Mourier et de l’université Paris Diderot a par exemple publié des recherches semblable en 2019, dans l’European Respiratory Journal. Ils avaient suivi une centaine de patients sous ventilation non invasive – qui consiste en un masque sur le visage et /ou le nez pour délivrer de l’air. Une partie d’entre eux avait bénéficié d’une séance de musique de 30 minutes avec un casque. Si les résultats n’ont pas montré d’amélioration significative sur leur confort respiratoire – hypothèse principale du travail -, l’équipe avait tout même noté une tension artérielle plus basse dans le groupe avec musique. Et avait conclu qu’elle pouvait contribuer à réduire le stress à la sortie de l’unité de soins intensifs.
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«Une autre piste de réflexion repose sur la définition même de la musicothérapie : est-ce soigner le patient pendant qu’il écoute de la musique ‘‘commerciale’’, qui lui apporte du réconfort et qu’il affectionne, ou utiliser une musique conçue spécialement pour les soins ? développe auprès de Libération Jean-Damien Ricard, chef du service de l’hôpital Louis Mourier qui avait participé à cette étude. Nous avions fait appel à un prestataire qui propose un enchaînement réfléchi de sons avec une progression. La difficulté, c’est que nous sommes tributaires de ce prestataire, ce qui a aussi un coût.»
Les chercheurs de l’Université de Californie eux-mêmes soulignent que leur synthèse doit amener à de futures recherches et un «programme pilote» pour solidifier ces résultats. Car si des données probantes soulignent l’intérêt de la musicothérapie, d’autres travaux plus robustes sont nécessaires pour mieux comprendre et affiner cette pratique. Et ainsi pouvoir davantage l’intégrer dans les prises en charge à l’hôpital.
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