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L’horizon semblait dégagé pour que l’actrice d’Emilia Perez, célébrée pour sa performance dans le film de Jacques Audiard, remporte l’oscar de la meilleure interprétation féminine lors de la cérémonie du 3 mars. Jusqu’à ce qu’une journaliste exhume d’anciennes publications sur le réseau social X, dans lesquelles Karla Sofía Gascón déplore la présence des musulmans et des Arabes dans son Espagne natale, et multiplie les sorties racistes et xénophobes, s’en prenant pêle-mêle aux Chinois, au mouvement Black Lives Matter, et même à la cérémonie des oscars qu’elle dénigrait en 2021 pour sa diversité et ses prises de position politiques. Les votants de l’académie risquent désormais de lui renvoyer ce désamour.
Après avoir présenté ses excuses par communiqué, l’actrice s’est longuement défendue dans une interview en espagnol sur CNN dimanche, sans parvenir à retenir ses larmes. Réduisant à néant ses chances aux oscars (Emilia Perez est en lice pour pas moins de treize statuettes), l’affaire est une catastrophe pour Netflix, détenteur des droits du film aux Etats-Unis, au Canada et au Royaume-Uni, et financeur de l’onéreuse campagne à Hollywood.
Selon les révélations lundi 3 février du média américain The Hollywood Reporter, la plateforme a retiré l’actrice de ses publicités, après avoir arrêté de financer ses déplacements. Une affiche promotionnelle consacrée à Emilia Perez où ne figure pas Karla Sofía Gascón circule sur les réseaux sociaux. L’actrice n’aurait pas consulté Netflix pour mener sa communication de crise, révèle Variety. Celle qui devait assister au déjeuner des American Film Institute Awards jeudi 6 février ne s’y rendra finalement pas, pas plus qu’aux Critics’ Choice Awards le lendemain et aux Producers Guild Awards le surlendemain… Ni au Festival international du film de Santa Barbara, où elle devait recevoir un prix d’honneur aux côtés de Selena Gomez.
La presse américaine continue de s’interroger sur ce qui a pu rendre possible un tel crash, dans une industrie où aucune superproduction de cet acabit (un budget d’une vingtaine de millions d’euros), financée par la maison de luxe Yves-Saint-Laurent avec les stars internationales Selena Gomez et Zoe Saldaña) ne se monte sans une armée de stratégistes et gourous de la «réputation» pour parer à toute controverse, peignant les réseaux sociaux des vedettes en vue et s’assurant que les squelettes restent dans le placard.
Réputée réfractaire au «media training» et à toute entreprise de lissage de son tempérament, l’actrice espagnole était perçue comme un électron libre, désireuse de lire ses propres discours plutôt que ceux qu’on voudrait lui écrire, pas formée dans le moule d’Hollywood.
«J’ai été jugé, condamné, sacrifié, crucifié et lapidé sans procès et sans possibilité de me défendre», s’est défendu Karla Sofía Gascón sur CNN dimanche. Et d’ajouter : «Je ne peux pas me retirer d’une nomination aux oscars parce que je n’ai commis aucun crime et je n’ai fait de mal à personne.» Tous les membres de l’académie ne sont visiblement pas de cet avis, puisque certains auraient appelé au retrait de l’actrice de la liste des nominations, ce à quoi l’Académie n’aurait pas donné suite.
De son côté, le reste du casting ne s’est toujours pas exprimé à l’exception de Zoe Saldaña. Interrogée à ce sujet lors d’une conférence de presse à Londres vendredi soir, l’actrice americano-dominicaine s’est dite «vraiment triste». Elle–même nommée aux oscars dans la catégorie de meilleure actrice dans un second rôle, elle ajoutait : «Je n’ai aucune tolérance pour toute rhétorique négative envers les personnes de quelque groupe que ce soit. Je ne peux que témoigner de l’expérience que j’ai eue avec chaque individu qui a fait partie, qui fait partie, de ce film, et mon expérience et mes interactions avec eux étaient axées sur l’inclusion, la collaboration et l’équité raciale, culturelle et de genre.»
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