Pourquoi des portraits de femmes et de personnes issues de minorités ethniques exposés dans un musée aux Etats-Unis ont-ils été dissimulés ?

Pourquoi des portraits de femmes et de personnes issues de minorités ethniques exposés dans un musée aux Etats-Unis ont-ils été dissimulés ?

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Couvrez ces femmes et ces minorités que je ne saurais voir. Depuis plusieurs jours, le National Cryptologic Museum, musée sur l’histoire de la cryptographie – écriture chiffrée et sécurisée –, situé dans l’Etat américain du Maryland, est au cœur d’un scandale. La polémique démarre après la publication sur les réseaux sociaux dimanche 2 février au matin d’une photo du «Hall of Honor», hall d’honneur de ce musée placé sous la tutelle de la National Security Agency (NSA).

Fellow NSA – National Security Agency veterans. Look at what’s happened at the National Cryptologic Museum. They covered up with brown paper the photos of Women in American Cryptology. All in response to President Trump’s anti-diversity executive order.

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— Gen Michael Hayden (@genmhayden.bsky.social) 2 février 2025 à 05:51

Alors que plusieurs portraits de scientifiques – en grande majorité des hommes blancs – sont affichés sur l’écran d’une télévision, deux rectangles en papier situés de chaque côté interpellent. Collés au mur avec du scotch, ils recouvrent en intégralité deux panneaux dédiés à des personnes clés de la cryptologie qui «ont été des innovateurs tout au long de leur carrière ou ont apporté des contributions majeures à la structure et aux processus de la cryptologie américaine», mentionne le site du musée. Et ces deux morceaux de papier tendus, ainsi que leur emplacement, ne laisseraient rien au hasard, selon le général Michael Hayden, ancien directeur de la NSA de 1999 à 2005. «Regardez ce qui s’est passé au National Cryptologic Museum. Ils ont recouvert de papier brun les photos des femmes de la cryptologie américaine», écrit l’ancien militaire sur le réseau social Bluesky, photo à l’appui.

Comme le démontre un utilisateur sur X, un panneau mentionnant les «pionniers de l’histoire de la cryptologie des Etats-Unis» – et représentant uniquement des portraits de femmes – était en effet initialement visible à la droite de l’écran de télévision. Les visiteurs du musée pouvaient alors y lire de brèves biographies d’Elizebeth Friedman, scientifique surnommée «la première femme cryptanalyste d’Amérique» ; ou encore les avancées permises par Ann Caracristi, une autre pionnière de la cryptanalyse qui est devenue la première femme directrice adjointe de la NSA.

Michael Hayden poursuit sa démonstration : «lls ont également couvert les visages des personnes issues des minorités ethniques de l’histoire de la cryptologie, telles que Washington Wong et Ralph Adams», le premier étant représenté sur le panneau gauche. Deux catégories – «les Afro-Américains dans l’histoire de la cryptologie» et «les femmes dans la cryptologie américaine» – qui figurent pourtant sur la page Internet dédiée à ce même Hall of Honor sur le site du musée construit en 1993.

Toujours selon celui qui fut également directeur de la CIA de 2006 à 2009, cette dissimulation intervient «en réponse au décret antidiversité du président Trump». Une référence directe à un décret signé par le 47e président des Etats-Unis dans la foulée de son investiture permettant de «mettre fin à la discrimination illégale et rétablir les opportunités fondées sur le mérite». Une tentative du Président de mettre fin aux programmes dits de «DEI» (pour «diversité, équité et inclusion») ou «DEIA» (lorsque s’y ajoute l’enjeu de l’«accessibilité»), des jalons antiracistes que le républicain abhorre.

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Cette explication est également reprise par Mark S. Zaid, avocat spécialiste des affaires de sécurité nationale, qui s’insurge contre le fait que ces panneaux, qui ont été placés en octobre 2022, n’ont pourtant «rien à voir avec le DEI». «Ils reflètent la décision du musée d’honorer ceux qui ont franchi les barrières», explique-t-il. En réaction, Larry Pfeiffer, chef de cabinet à la CIA de 2006 à 2009 auprès du général Michael Hayden, avait quant à lui appelé à un rassemblement lundi 3 février devant le musée «pour manifester avant que les photos ne soient totalement retirées».

Après ces messages postés sur les réseaux sociaux et relayés des centaines de milliers de fois, la réponse du musée ne s’est pas fait attendre. Dimanche 2 février dans la soirée, l’établissement géré par la NSA publie un message d’excuses sur X. «Nous vous remercions de votre soutien continu au National Cryptologic Museum. Nous nous efforçons de présenter au public des expositions historiquement exactes et nous avons corrigé une erreur qui recouvrait une exposition. Nous attendons avec impatience que les visiteurs découvrent le musée et sa riche histoire», peut-on ainsi lire.

Contactée sur les raisons de cette «erreur», la NSA ne nous a pas fourni davantage d’explications à l’heure où nous publions cet article. Une non-réponse à laquelle s’est également heurté Politico.

Dès le lendemain de cette polémique, et afin de «vérifier que la NSA avait bien retiré ce papier recouvrant les photos de femmes et de personnes dans le Hall of Honor», Larry Pfeiffer, annonce auprès de CheckNews s’être rendu au musée en question. Grâce aux photos qu’il a partagées sur son compte X, nous pouvons observer que les panneaux à droite et gauche de l’écran de télévision sont de nouveau visibles.

Il précise par ailleurs qu’une «horde de responsables des affaires publiques de la NSA» a de nouveau présenté publiquement leurs excuses, face à une cinquantaine de personnes rassemblées, notamment les familles des scientifiques invisibilisés et de hauts fonctionnaires de la NSA. Helen Adams, veuve de Ralph Adams, était notamment présente et s’est inquiétée «des tentatives de réécriture de l’histoire par le musée», rapporte Larry Pfeiffer.

«Les responsables de la NSA présents sur place ont répété l’explication qu’ils avaient déjà fournie, et nous ont expliqué qu’il s’agissait d’une mauvaise interprétation de décrets présidentiels signés récemment de la part de l’un des membres de l’agence gouvernementale. Les responsables des affaires publiques n’ont cessé de parler de décrets au pluriel, mais ils ont cité spécifiquement celui sur la diversité, l’équité et l’inclusion (DEI)», indique l’ancien vétéran, tout en ajoutant que le musée n’avait pu agir que sous l’ordre de la NSA, puisqu’il se trouve intégralement sous sa tutelle.

Il poursuit : «La direction de la NSA a assuré qu’elle n’était pas au courant de cette erreur d’interprétation jusqu’à ce qu’elle ait découvert les photos et que les messages soient publiés sur les médias sociaux.»

L’ancien militaire se félicite alors que ces messages aient «incité de nombreux citoyens, retraités de la NSA et journalistes à contacter la NSA et le musée pour leur faire part de leurs inquiétudes et leur demander de remédier à la situation». Une situation que Larry Pfeiffer craint néanmoins de voir se répéter au cours du mandat du président républicain.

Libération

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