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Avec Zola à bicyclette, Libre et dans le vent, Jean-Paul Vespini, nous emmène dans le sillage d’Emile Zola et de ses premiers coups de pédale. «J’aime la bicyclette pour cet oubli qu’elle donne. J’ai beau marcher, je pense. A bicyclette, je vis dans le vent, je ne pense plus et rien n’est d’un aussi délicieux repos». Le vélo dépasse le cheval, affermit les corps, bouscule les mentalités, bouleverse ce nouveau XXe siècle, mais on trouve peu de mots pour parler d’elle. Officiellement, la bicyclette n’existe pas, écrit l’auteur. Et Emile Zola de faire la réclame. «Quand on est là-dessus, lancé à une vitesse moyenne sur une route bien lisse et bien déserte, où le silence est grand, quand on se sent emporté par cette chose à frottements mystérieux, frêle, qui va dans l’espace toujours frôlant le sol, on a des sensations d’oiseau. Ne me traitez pas de serin, je vous certifie que cette impression est exacte. Il semble qu’on ait des ailes et qu’on vole, c’est délicieux».
Et tout le monde s’y met. Les princes et les tsars, le peuple. En France, le fabricant Clément emploie 500 ouvriers et sort vingt-cinq mille machines par an. Emile y va de son présage. «Je pense que le cyclisme est appelé à jouer un rôle des plus importants dans notre état social. Après un certain nombre d’années, il deviendra une institution dans chaque ménage». En tout cas, les écrivains s’y mettent, d’Alphonse Allais à Jules Renard, de Maurice Leblanc à Georges Feydeau, qui «a de l’esprit jusqu’au bout du guidon»…
Le père d’Arsène Lupin bat des records, parcourant jusqu’à 200 kilomètres dans une même journée. Les épreuves sportives se développent. Paris Royan, Paris Bordeaux, Paris Roubaix… Et puis on découvre que les femmes pédalent aussi vite que les hommes. Fernand Xau édite donc un nouveau journal, La femme à bicyclette dont plus de deux cent mille exemplaires s’arrachent en quelques heures. «Grâce à la bicyclette, elles s’émancipent, se dévergondent, aguichent le mâle, troublé par leur audace, leur sensualité et leur impudeur. La femme brûle du désir de changer sa triste condition de muse docile, soumise, asservie. La femme désarçonne l’homme dominateur ; il lui suffit de donner un tout petit tour de roue pour s’échapper, libre dans le vent» analyse Jean-Paul Vespini.
Henri Desgranges, futur directeur du tour de France, n’hésite pas à poursuivre l’éloge. «Grâce à la bicyclette nous avons découvert que nous nous sommes refait une âme meilleure, plus forte, volontaire. Alors la vie nous est apparue tout autre». Et puis, soudain, l’accident, puisqu’il faut bien qu’un drame arrive pour égayer la vie aventureuse de l’écrivain Emile Zola. «Au moment où il contourne le fiacre à l’arrêt, il n’entend pas, ne voit pas la voiture qui fonce sur lui. Le choc est inévitable. Il roule en boule sous les pattes du cheval, un sabot le frappe à la tête et lui arrache une touffe de cheveux. Il évite de justesse – quelques millimètres seulement, un vrai miracle ! – le marchepied de la voiture, couperet de guillotine, mais les roues lui passent sur les cuisses et les pieds.» La suite à découvrir dans ce livre, joyeux et inspiré, plein de photographies et de dessins du grand écrivain.
Zola à bicyclette, Libre et dans le vent, de Jean-Paul Vespini, éditions Arthaud, 288 pp., 19,90 euros.
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