«Les Monstres des hommes», chimères de tous les vices

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«Illueques par devers midi / a une illes de grans essounes…». D’accord, on ne comprend rien. Mais on devine quelque chose : «D’iteus gens a en ces paiis […] qui ne gardent foi ne mesures / envers lor femes ; les ordures / font ausi comme muës biestes, / qui home sont deviers les tiestes / et par rains chiens esragié / si se corrompent par pecié». Notamment qu’il y a des gens qui se comportent de façon abjecte vis-à-vis des femmes, parce qu’ils sont «hommes du côté de la tête», mais «chiens enragés à partir des reins». Il est question ici d’un manuscrit du XIIIe siècle, rédigé, vers 1285, en un mixte de français central, de parler picard, «mâtiné de wallon», et d’un peu de latin. Il traite de monstres – et est lui-même un texte «monstrueux», illuminé de mille jeux phonétiques et stylistiques, à la langue ingénieuse et fertile, déstructurée, ludique, voire loufoque. Un ovni. Un «pamphlet rimé, parfois révolutionnaire, parfois obscène», surprenant, provocateur, vulgaire et sophistiqué, s’inscrivant «dans la tradition naissante de dénonciation de l’absurdité du monde». Il n’a pas même de titre. Et identifier son auteur exige la sagacité des limiers du bureau des cold cases, transformés en philologues, paléographes, spécialistes de littérature comparée, historiens, codicologues…

L’«objet» semble bien simple, pourtant : le BnF fr 15106 – quelques «feuillets de peau animale», 1812 vers en octosyllabes à rimes plat

Libération

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