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Espace de débats pour interroger les changements du monde, le Procès du siècle se tient chaque lundi à l’auditorium du Mucem à Marseille. Libération, partenaire de l’événement depuis ses débuts, proposera, jusqu’en avril 2024, articles, interviews ou tribunes sur les thèmes de cette nouvelle saison. A suivre, lundi 24 février, le débat «Où sont les nouveaux territoires de solidarités ?»
Quel rapport entre un fast-food rose et bleu au milieu des tours et une épicerie café qui fait résonner quelques notes de concert dans une vallée enclavée ? Entre une ZAD qui s’organise autour d’arbres centenaires et une maraude dans un quartier populaire ? Partout, à l’heure où les formes traditionnelles d’aides sociales semblent à bout de souffle, de nouveaux territoires de solidarité se déploient. C’est l’objet du débat organisé le 24 février prochain au Mucem de Marseille.
Parmi ces lieux, le médiatique L’Après-M, un restaurant solidaire né dans les murs d’un ancien Mac Do, sur un rond-point des quartiers Nord de Marseille. Kamel Guemari et son équipe, salariés en réinsertion sociale et bénévoles, y servent des «burgers étoilés» à bas prix, organisent des maraudes, distribuent des colis alimentaires. Pour les habitants du quartier, L’Après-M est devenu un espace de lien social indispensable. Inespéré. Pas le temps d’être fier pour autant, Kamel, qui participera au débat du Mucem, prend juste son rôle de citoyen Marseillais à bras-le-corps : «Il n’y a pas mieux que celle ou celui qui ressent la douleur pour l’exprimer et se battre sur un projet.»
«Clairement, si on nous avait dit il y a quinze ans qu’un Mac Do, en plein 14e arrondissement marseillais, deviendrait un lieu où l’on tisse des liens de solidarité, de confiance, on n’y aurait pas cru !» pointe Nora Hamadi, journaliste et productrice engagée sur les sujets des quartiers (et qui animera ce débat au Mucem). «Sur le terrain, il se passe tellement de choses : des recycleries qui ouvrent et font cantines, des épiceries solidaires comme celles du réseau Vrac. Les gens ont un niveau d’intelligence collective et une capacité d’innovation sociale incroyables, que peuvent envier nos politiques.» Avec un objectif commun : inventer un futur désirable.»
Les milieux ruraux ne sont pas en reste. La solidarité y germe sur les terrains les plus asséchés, témoigne Juliette Rousseau, romancière, éditrice et militante écoféministe. Le 24 février, l’autrice de Péquenaude ajoutera sa graine au débat. Pas comme «porte-parole» des campagnes – bien trop plurielles – mais témoin de «[sa] propre ruralité, une ruralité bretonne, agro-industrielle». Autour de son village aux vents salés, elle nomme les solidarités locales : «Ça relève de la solidarité matérielle : c’est se filer des coups de main au chantier, au jardin, pour les bêtes… Tout ce qui relève du faire soi-même et de l’entraide, des logiques de débrouille en fait.» Une réalité finalement ancienne, traditionnelle, qui aurait pu disparaître avec l’industrialisation, mais qui survit et renaît là où elle peut.
Avec au final, toujours les mêmes leviers d’action : financements et soutiens politiques.«Pour les petites assos, il faut surtout simplifier les appels à projet !» exhorte Kamel Guemari. «Nous, on essaie de faire de notre mieux, on travaille, et on n’a pas le temps de se battre avec de l’administratif ou des politiciens pour quémander notre argent.»
Le soutien médiatique, enfin, est essentiel. Et la journaliste Nora Hamadi en est bien consciente : «Il faut changer les regards et les récits. Il faut donner à entendre les gens qui ne sont pas toujours les mêmes, qui font des trucs de dingo sur le terrain, et ont le droit à la parole.»
Faire système, mais sans forcément dupliquer : le développement du local vers le régional ou national passera par l’adaptation aux réalités de chaque territoire. «Il n’y a pas de modèle à suivre, il n’y a que des choses à concevoir à partir des gens qui en ont besoin et dans le contexte qui est le leur», insiste Juliette Rousseau. A L’Après-M, on l’a bien compris : «Maintenant qu’on a épongé nos dettes, on se bat pour créer des franchises sociales, à but non lucratif», explique Kamel Guemari, qui cite notamment la mairie de Lyon. «On fera signer une charte de valeurs, mais ensuite c’est au territoire de trouver ce qui fait sens pour lui.» Eux, ce sont les burgers signés du chef étoilé Alain Passedat.
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