«La fête est un révélateur des crises de notre société»

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Savoir qui nous sommes, savoir ce à quoi nous tenons, penser les lieux et les échelles de ce qui nous rassemble… Le Campus Condorcet organise, le 20, 21 et 22 mars 2025, trois jours de débats et de rencontres sur le thème «Universel(s) ?». Un événement dont Libération est partenaire.

Un universel, la fête ? L’affirmative n’est pas évidente, l’actualité n’y est sans doute pas étrangère, pourtant l’idée relève d’une «tarte à la crème» de l’anthropologie, juge Emmanuelle Lallement, spécialiste du sujet, qui sera présente le 21 mars au festival. Nécessité humaine fondée sur «la dilapidation» (Georges Bataille), sur le «don du rien» (Jean Duvignaud), la fête est partagée par toutes les sociétés humaines – même les dictatures y font appel pour légitimer leur pouvoir.

Mais au-delà de son extrême diversité sur la planète, qu’est-ce qui fait fête, finalement ? Pour Julien Mallet, ethnomusicologue à l’Institut de recherche pour le développement (et autre invité du Printemps des Humanités), c’est un temps d’intensité partagée, d’excès, de désordre organisé, où les énergies et les corps s’expriment autrement. Ainsi des fêtes malgaches rythmées par le tsapiky, une musique proche de la transe, pour plusieurs jours de cérémonie exténuante où les morts et les vivants se côtoient. A rebours de l’idée reçue qui les jugerait spontanés et bordéliques, ces rendez-vous traditionnels sont codifiés : si les règles du quotidien disparaissent, d’autres se forment. Lors de ces rassemblements collectifs, l’ivresse et l’exubérance des corps provoqués par la musique lancinante, les décibels, la fatigue, l’alcool, sont autant d’aspects qu’on retrouve dans les free parties contemporaines, observe Julien Mallet – même si les significations rattachées à l’événement sont très différentes.

Chronique «C’est reparty»

La dimension sacrée a en effet depuis longtemps déserté la plupart des fêtes occidentales. En quittant le religieux, celles-ci auraient-elles été réduites à des formes futiles, liées aux loisirs ? En France, ces dernières décennies, une petite mélodie nostalgique disait la fête «terminée», taxée d’être devenue trop commerciale, trop touristique, trop événementielle… Si tout fait fête – la musique, le saucisson vigneron (à Renaison dans la Loire), le livre, ou le slip —, la fête est-elle vidée de son sens ? Pas si vite : Emmanuelle Lallement observe que la période des attentats parisiens en 2015 et les épisodes de confinement en 2020 ont remis la fête à l’agenda. Récemment, «elle se politise davantage, et correspond à des phénomènes de résistance». Les interdictions, la stigmatisation des fêtards, avec notamment la répression des free parties, ont créé une résurgence de l’importance donnée au phénomène festif, avec une prise de conscience qu’il ne relève pas du superflu, mais qu’il peut au contraire rencontrer une réelle nécessité sociale. «Cela a considérablement marqué la fête, et la façon de la concevoir.»

Exemple avec le retour de flamme des nuits parisiennes ou avec la présence accrue dans les manifestations de performances dansées, de défilés de Géants, de moments d’effervescence porteurs de fortes revendications identitaires ou écologiques. Rien d’étonnant : loin d’être un domaine à part, la fête épouse les dynamiques de notre temps. Et les problématiques qu’on lui assène sont celles qui soulèvent notre société entière. Ainsi, dans un moment où tout rassemblement des corps et des individus devient suspicieux, la fête cristallise les crispations autour de l’occupation de l’espace public. Elle exprime aussi les inégalités hommes femmes, les inégalités sociales, les revendications identitaires, politiques… Autrement dit, la fête agit comme «un révélateur des crises et des grandes questions de notre société». La fête est finie… Vive la fête.

Libération

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