Depuis toujours Paris donne le ton en matière de langage. Au XVIIe siècle, Vaugelas prescrivait de suivre «la plus saine partie de la Cour» ; aujourd’hui pour Grevisse le bon usage est celui de la bourgeoisie parisienne cultivée. La norme inscrit du social dans la géographie, double épuration du parler commun. La construction d’une variété légitime de français est si ancienne qu’elle semble naturelle : on sait à Paris que seuls les provinciaux (et les francophones) sont affligés d’un accent ! La valorisation d’un parler des élites, identifié à la langue de la Nation et à son identité, est si partagée qu’elle a laissé dans l’ombre la variété des parlures, tenues pour «étrangères» ou «populaires» quand elles n’étaient pas déviantes ou basses. C’est dans ces ténèbres que Gilles Siouffi jette le flambeau d’une érudition joyeuse, d’une allègre gourmandise de linguiste, qui n’ignore pas la réalité ni les bienfaits du grand commerce des langues. De ce commerce, Paris est représentatif, spectaculairement plurilingue depuis toujours.
L’auteur creuse avec brio la tension qui est l’histoire même de notre langue, entre la fabrique sociale d’une norme d’aspiration nationale et la réalité des pratiques linguistiques urbaines, que Siouffi énumère à l’envi. Dans Paris devenu très tôt centre politique, économique et culturel, les idiomes s’échangent, au gré des foires et des guerres, les parlers se diversifient dans l’infini feuilletage social (langue de la boutique, de la basoche, du
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