EXCLUSIF. Impôts des plus riches : les surprenants résultats d’une étude de l’Ifrap

EXCLUSIF. Impôts des plus riches : les surprenants résultats d’une étude de l’Ifrap

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On ne s’en souvient que trop bien, les débats parlementaires de préparation du budget 2025 de la France avaient donné lieu à une flopée de propositions visant, pour l’essentiel, à alourdir les impôts existants ou à en créer de nouveaux. Curieuse inspiration dans un pays qui affiche déjà le plus lourd taux de prélèvements obligatoires d’Europe. La recherche de réduction des dépenses pour remettre les finances publiques au carré a suscité moins de vocations. Finalement, dans l’espoir de ramener le déficit à 5,4 % cette année, après 6 % en 2024, la loi de finances votée repose sur 30 milliards d’euros d’économies (relatives, car évaluées au regard de la “tendance” supposée des dépenses) et un alourdissement fiscal de 20 milliards d’euros. Avec un effort particulier demandé aux grandes entreprises et aux grosses fortunes, au travers de dispositifs présentés comme provisoires. Concernant les ménages, la contribution différentielle sur les hauts revenus (CDHR) doit veiller à ce que les foyers fiscaux concernés s’acquittent d’un taux effectif d’impôt sur le revenu d’au moins 20 %.

Certains élus veulent aller plus loin. S’appuyant sur les travaux de l’économiste Gabriel Zucman, les députés écologistes ont fait voter le mois dernier une nouvelle taxation visant les “ultrariches”. Elle prévoit que les 0,01 % des contribuables les plus aisés soient soumis, au-delà d’un seuil de 100 millions d’euros, à un impôt plancher de 2 % de leur patrimoine. Recette escomptée : environ 20 milliards. Avec un Sénat qui penche à droite, le chemin législatif de cette proposition devrait vite tourner court. Mais l’exécutif a repris le principe à son compte et en étudie une version allégée – un taux quatre fois moindre de 0,5 %, sur une base qui exclut les biens professionnels, contrairement à la “taxe Zucman”.

Ponctionner les plus fortunés pour combler le déficit : à première vue, la démarche paraît d’autant plus légitime que cette frange de contribuables est réputée avoir bénéficié, sous la présidence d’Emmanuel Macron, d’une politique fiscale accommodante. Pour dépasser les a priori, l’économiste Gilles Koleda et l’équipe de la Fondation Ifrap se sont plongés dans le détail de l’évolution de l’imposition des ménages, avec une vision à 360 degrés. Une étude que L’Express a pu consulter en exclusivité, et dont les résultats, bien loin du cliché du “milliardaire-qui-ne-paie-pas-d’impôts”, surprennent. Ces experts ont choisi d’embrasser tout le spectre : impôt sur le revenu, CSG, CRDS, prélèvements sur les revenus des capitaux mobiliers, taxe foncière, taxe d’habitation, impôt sur la fortune immobilière (IFI), droits de donation et de succession. Rapportée au revenu disponible brut de l’ensemble des ménages français, la somme de ces impôts directs a vu son poids reculer en 2023 à 17,7 % contre 18,1 % en 2017, l’année de la première élection d’Emmanuel Macron.

Mais l’instigateur du mouvement En Marche est-il vraiment le “président des riches” que l’on croit ? Pour en juger, l’Ifrap a découpé en décile notre population. Et révèle que, pour les 10 % qui gagnent le plus, la part de l’ensemble des impôts directs est passée de 37,5 % des revenus disponibles en 2017 à… 42,1 % en 2022 (les données de l’Insee ne sont pas encore disponibles pour 2023). “Notre étude de 2019, déjà, avait montré que la transformation de l’ISF en IFI avait certes entraîné une baisse d’impôts de 1,4 milliard pour ce dernier décile, mais qu’en parallèle, la suppression des cotisations salariales chômage et maladie, basculées sous forme de CSG, et la part sociale du PFU avaient contribué à une hausse de 8,6 milliards des prélèvements sociaux pour cette catégorie”, rappelle Agnès Verdier-Molinié, la directrice du think tank libéral. Et la tendance s’est confirmée au cours des années suivantes. “L’affirmation avancée dans l’Hémicycle et en dehors que les plus riches ont été énormément avantagés depuis 2017 est fausse. Quand on regarde les chiffres, c’est même l’inverse. Malgré cette réalité, faute d’avoir pris en considération tous les paramètres, on ressasse toujours au Parlement et ailleurs la proposition de taxer plus les mêmes ménages qui paient déjà plus de 50% de la note. La propagation de ces contre-vérités est préoccupante pour le débat public français.”

Elle l’est aussi pour l’activité économique. Derrière, c’est l’attractivité tricolore qui est menacée. “Au lieu de se lancer dans des discussions picrocholines pour savoir si les 0,01 % les plus riches payent plus ou moins d’impôts que les 0,1 %, mieux vaudrait mener des comparaisons internationales qui montreraient que nous sommes parmi les plus taxés sur les hauts revenus qui sont majoritairement des entrepreneurs. La CDHR a déjà fait beaucoup de mal car elle incite les talents à quitter la France. En vue de boucler le budget 2026, se prépare désormais ce projet de nouvelle contribution de 0,5 %, encore plus incitative au départ. C’est une forme de retour de l’ISF”, dénonce Agnès Verdier-Molinié. L’économiste Antoine Levy, professeur à Berkeley, va même plus loin. Comme il s’en ouvrait à L’Express récemment : “On parle souvent de l’émigration fiscale, qui est une réalité, mais elle ne serait sans doute pas assez massive pour annuler totalement les recettes fiscales [de la taxe sur les ultrariches]. En revanche, il existe d’autres effets plus insidieux et plus difficiles à mesurer, comme le découragement à la création d’entreprises.”

L'Ifrap affirme que les Français les plus riches paieraient trop d'impôts.
L’Ifrap affirme que les Français les plus riches paieraient trop d’impôts.

En résumé, la France joue contre son camp plutôt que d’engager une vraie remise en question. “On fait croire à nos concitoyens qu’une poignée d’entrepreneurs et de grandes entreprises françaises peuvent payer le surcoût de notre modèle social et boucher le trou du déficit, c’est mensonger”, estime la directrice de l’Ifrap. “Même si l’on confisquait intégralement le patrimoine [des plus grandes fortunes], estimé à 1 000 milliards d’euros, cela ne couvrirait que moins d’un an de dépenses publiques. Et après ?”, interroge Antoine Levy, qui milite pour un serrage de vis en matière de protection sociale, de transferts aux collectivités locales et de dépenses de l’Etat.

Si le gouvernement est à court d’inspiration, Agnès Verdier-Molinié est toujours prête à partager le fruit de ses réflexions. Dans son dernier ouvrage, Face au mur, elle détaille son plan de bataille, estimations chiffrées des économies potentielles à l’appui. Les grandes lignes ? S’attaquer au mille-feuille administratif, améliorer l’efficacité des collectivités locales, réformer le système des retraites, moderniser celui de la santé, instaurer une allocation sociale unique… De quoi couper 110 milliards d’euros, effort nécessaire pour parvenir à un équilibre primaire – c’est-à-dire hors charge de la dette – des finances publiques en 2029. Des mesures qui demandent plus de courage politique que de piocher dans le patrimoine des milliardaires.

L’Express

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