«On soigne nos familles avec les produits qu’on fabrique» : dans l’usine d’Aspégic d’Amilly, les salariés de Sanofi refusent d’être vendus

«On soigne nos familles avec les produits qu’on fabrique» : dans l’usine d’Aspégic d’Amilly, les salariés de Sanofi refusent d’être vendus

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Ce mardi matin, devant l’usine Sanofi d’Amilly (Loiret), les banderoles CGT claquent dans le vent et les salariés en grève se serrent devant un feu de palettes. Depuis le 5 mars et l’annonce de la cession du site à deux repreneurs, Astrea Pharma et Substipharm, les grévistes assurent un débrayage tournant, dosé pour limiter à 50 % la production de l’usine, qui sort près de 60 millions de boîtes par an et fabrique, entre autres, deux best-sellers du médicament français, l’Aspegic et le Kardegic. Manière de démontrer, dit Imad Sdiri, délégué CGT, que «la vraie valeur du site, ce n’est pas les bâtiments et les machines, c’est avant tout les 267 salariés».

Après la revente en octobre 2024 de sa filiale Opella, fabricante du Doliprane, au fonds de pension américain CD & R, Sanofi poursuit sa restructuration au profit des produits immunologiques à très forte valeur ajoutée en revendant des marques toujours rentables mais moins juteuses. Même si l’entreprise promet le maintien de l’emploi et des statuts collectifs pendant trois ans dans le cadre de son partenariat avec les deux repreneurs, en soulignant qu’Astrea Pharma s’est engagé à investir 4 millions d’euros par an les premières années, les salariés vivent la période avec méfiance et anxiété. «On n’est pas du tout sereins, appuie Imad Sdiri. Astrea Pharma est une jeune société beaucoup moins solide que Sanofi, on a peur de se retrouver en dépôt de bilan d’ici quelques années. Ils ont racheté récemment une usine à Monts, près de Tours, qu’ils n’arrivent pas à faire tourner à plein.» Le syndicaliste déplore aussi la mort annoncée d’un avantage majeur, la prime de participation-intéressement de 8 000 à 10 000 euros sur cinq ans par salarié.

Chez les grévistes présents sur le piquet, l’amertume affleure à l’idée d’être lâchés par une «bonne boîte», dans laquelle ils ont été fiers de s’investir, pour certains pendant des décennies. «Sanofi c’était notre Graal, lance Virginie, trois enfants, 47 ans dont vingt-quatre chez Sanofi à Amilly. J’ai énormément galéré pour réussir à entrer ici. Une fois embauchée j’ai mieux respiré… Le médicament c’était l’avenir assuré. On soigne nos familles avec ces produits qu’on fabrique. Je soigne ma mère avec le Kardegic. Et on voudrait revendre ces produits-là à des gens qui tiennent pas la route ? On est dégoûtés en fait, on n’a pas envie !» Gréviste par solidarité avec ses collègues, elle fait partie de la trentaine de salariés à des postes «sensibles», c’est-à-dire potentiellement menacés par la reprise, à qui Sanofi a proposé un départ négocié. Elle a accepté pour se lancer dans un projet qui lui tient à cœur, une agence matrimoniale dédiée aux personnes LGBT +. Une autre collègue envisage aussi de saisir la perche tendue par la DRH pour se former au transport routier.

Au-delà du maintien des emplois et des acquis sociaux, le mouvement social invoque encore un enjeu majeur de souveraineté sanitaire. «Post-Covid, on a eu un discours du Président disant que certaines choses devraient sortir de la loi du marché, et là on a un exemple d’un outil industriel unique en Europe complètement soumis à cette loi. On voit bien qu’ils veulent se débarrasser de nous pour des raisons purement comptables», s’insurge Georges Pereira, du syndicat Sud chimie. Face aux logiques stratégiques du géant Sanofi, les salariés veulent encore croire que d’autres valeurs peuvent l’emporter. «On bougera pas d’ici jusqu’à ce qu’ils retirent leur projet», lance une salariée en souriant sous son gros bonnet, mains tendues vers le feu.

Libération

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