Son nom d’artiste ne fait pas grand mystère de son activité. La dame qui colle affiche depuis trois ans des femmes « ordinaires » victimes de violences dans les rues des grandes villes françaises. Cette ancienne art-thérapeute de 38 ans a collé un dessin de Gisèle Pelicot le 2 octobre pour lui rendre hommage.
20 Minutes s’est entretenu avec La dame qui colle qui via ses collages veut « redonner aux femmes leur place dans l’espace public ».
« Mettre des mots d’amour autour » de Gisèle Pelicot
Le calvaire de Gisèle Pelicot, elle l’a entendu il y a deux ans à travers les médias. Son histoire, marquante, « fait partie de toutes celles des femmes qui souffrent », dénonce l’artiste. Alors quand le procès s’est ouvert en septembre, elle décide de la mettre dans sa série « pour mettre des mots d’amour autour d’elle ».
Pour cette Lilloise, « quelque chose se joue » dans ce procès intenté par « celle qui aurait pu être ma mère ». A travers son engagement, « elle envoie un signe fort, c’est que la violence ne touche pas que les jeunes femmes et qu’elle est systémique ». Coller Gisèle Pelicot, un symbole, dans l’espace, c’est « montrer qu’au-delà de tout, la vie ordinaire reste ». Plus important encore, « son combat devient le nôtre ».
Gisèle Pelicot, en rendant son image publique, a permis indirectement à La dame qui colle de la dessiner. « J’ai récupéré des photographies et des citations d’elle, des comptes rendus du procès pour pouvoir la dessiner », explique l’artiste. Son post Instagram de la photo du collage est légendé par cette citation de Gisèle Pelicot : « J’ai l’impression que la coupable c’est moi, et que les 50 victimes, c’est ceux qui sont derrière moi. » A travers cette phrase, elle « interroge le traitement des victimes par le système judiciaire », souligne la colleuse.
« Changer le regard de la place des femmes dans l’espace publique »
« Coller, c’est une manière de lutter contre harcèlement dans espace public », explique-t-elle. Victime d’une agression, sentant sa colère grandir, celle qui était dessinatrice et illustratrice sur le thème du changement climatique a pris le parti de s’engager pour défendre les femmes à travers son art. « J’ai toujours essayé de comprendre ce qui ne va pas dans la société. Je me suis toujours intéressée aux rapports de force, précise La dame qui colle, d’abord avec les dysfonctionnements hommes-animaux puis ceux entre les hommes et les femmes. »
Ses objectifs : « créer le débat » et « changer le regard de la place des femmes dans l’espace publique ». « J’ai envie qu’on nous voit pour ce qu’on est sans être limitées à des corps et des histoires », détaille la trentenaire. Coller Gisèle Pelicot permet « de se sentir proche d’elle » et d’« ouvrir la discussion autour des horreurs qu’elle a vécues ».
Des « Gardiennes de la rue »
« Depuis longtemps, j’entends des récits glaçants autour de moi de femmes qui ont subi des violences », constate l’artiste. Alors en 2021, elle décide de coller le portrait d’une de ces femmes « ordinaires ». C’est le début de sa série « Gardiennes de la rue », dont le portrait de Gisèle Pelicot fait partie. « Ces femmes, c’est vous, c’est moi, c’est toutes celles qui ont été victimes de violences ordinaires. »
En savoir plus sur Gisèle Pélicot
Des collages de femmes « en taille réelle, pour exister entre la réalité et la fiction et les mettre en scène dans notre quotidien ». En les portraiturant, puis les collants, elle leur redonne la parole et leur permet de réexister dans l’espace commun. Paris, Lille, Bordeaux, Marseille, Nantes… Collés dans des recoins « cachés » et des rues sombres, ces portraits « font peur aux agresseurs et rassurent les agressées, comme des vigiles en soirée », ironise l’artiste.
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