Transition énergétique
Au lieu d’une baisse initiale de 500 millions d’euros, l’enveloppe dédiée au verdissement du parc automobile va finalement baisser de 800 millions, une coupe de plus de 50 %. Reste à savoir comment concrètement les aides seront touchées.
On savait que les crédits alloués aux voitures électriques allaient fondre, mais c’est finalement une saignée que le gouvernement prépare. Le gouvernement Barnier avait déjà acté que l’enveloppe dédiée au verdissement du parc automobile allait passer de 1,5 milliard à un milliard d’euros dans le budget 2025. Mais dans sa «présentation des projets d’amendements gouvernementaux visant des baisses de dépenses supplémentaires à hauteur de 5 milliards d’euros», l’exécutif annonce 300 millions de coupes en plus. De quoi diviser par plus de deux les aides aux voitures électriques. Et interroger, de nouveau, la stratégie du gouvernement concernant la transition énergétique.
Les éléments de langage distillés par les ministres, leurs cabinets et même le «budget vert», présenté la semaine dernière, expliquaient qu’il fallait «rationaliser le nombre de dispositifs de soutien à la mobilité». Une rationalisation qui induit, selon la présentation du gouvernement, «une enveloppe dédiée au soutien à la voiture électrique [passant] à 700 millions dans le budget». Petite nouveauté : «Ce montant sera complété par des aides au titre des certificats d’énergie pour préserver nos ambitions et continuer à accompagner les Français dans la transition écologique.» Aucun détail n’a encore été donné à ce sujet. Mais dans son budget vert, le gouvernement préparait déjà ce calibrage en deux temps, anticipant le fait que les «cibles» d’électrification fixées par l’Etat ne seraient vraisemblablement pas atteintes en 2024 : «Leur atteinte fera l’objet d’un suivi particulier dans un contexte où le montant des aides sera réduit en 2025 par rapport à 2024, ce qui pourrait nécessiter le recours à des mesures complémentaires.»
Quelles aides touchées ?
Du côté des ventes de véhicules à zéro émission, la France continue sa progression, mais trop lentement. La part de voitures électriques neuves depuis le début de l’année est de 17,1 %, contre 15,9 % sur la même période l’an dernier. Le gouvernement estime que le bonus écologique était destiné à «amorcer» la transition écologique, et donc qu’il était destiné à s’estomper à mesure que les ventes prospéraient. Mais la baisse très nette du bonus écologique en l’espace de trois ans (de 7 000 à 3 000 euros) n’a-t-elle pas eu un impact sur cette courbe, qui ne progresse pas suffisamment rapidement ? L’Allemagne peine en tout cas à se relever de la coupe drastique dans les aides à l’achat d’une voiture électrique fin 2023 (13,1 % de part de marché dans les ventes du neuf de janvier à septembre 2024, -5 points en un an).
Il reste à savoir comment seront répartis ces 700 millions d’euros. En 2023, les deux principales aides au verdissement du parc automobile étaient le bonus écologique (298 100 accordés pour un montant de 1,3 milliard d’euros) et la prime à la conversion (72 400 dossiers pour 224 millions). En 2024, le leasing social a été créé, pour un montant estimé de 650 millions pour 50 000 dossiers. Le bonus écologique était, lui, passé en février de 4 000 à 3 000 euros et les personnes morales en ont été exclues, un mois après que les voitures extra-européennes en furent bannies pour des raisons officiellement d’empreinte carbone, officieusement de protectionnisme économique. Or, en 2023, les entreprises représentaient 24 % des bonus accordés et parmi les six voitures les plus vendues l’an dernier, trois étaient assemblées en Chine, pour 75 000 unités vendues à elles seules.
Resserrer les dispositifs
Si le ministère de la Transition écologique nous affirme que les arbitrages seront communiqués «dans les prochains jours», et que le coût moyen du leasing social par véhicule (13 000 euros) pourrait baisser selon un député de la coalition gouvernementale, la saignée va se traduire par des aides atrophiées. La prime à la conversion semblait d’ores et déjà condamnée, mais le ministre des Transports, François Durovray, a affirmé la semaine dernière qu’elle serait peut-être uniquement préservée aux habitants ou travailleurs des zones à faible émission (Paris et Lyon). Le leasing social, lui, «sera poursuivi avec des règles qui vont sans doute évoluer pour le rendre plus efficace à la fois pour l’écologie, car l’enjeu est de réduire les gaz à effet de serre mais aussi qu’on touche les bons publics, notamment les Français les plus modestes», a expliqué Durovray.
Reste la mesure la plus plébiscitée par les «électromobilistes» : le bonus écologique. Va-t-il passer de 4 000 à 3 000 euros ? La majoration à 7 000 euros pour les revenus les plus faibles (12 % des bonus versés en 2023) conservée ? Les plus riches, principaux acheteurs de véhicules toujours trop (37 240 euros en moyenne pour les véhicules neufs qui ont bénéficié d’un bonus) pourront-ils encore en profiter ? La limite de prix (48 000 euros) pour qu’un véhicule soit éligible abaissée ? Agnès Pannier-Runacher et son ministère vont désormais devoir mouliner tous ces paramètres, pour ne pas atrophier la transition électrique, tout en permettant aux personnes les plus modestes de ne pas être laissées sur le côté.
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