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Droits humains
Dans son rapport pour l’année 2023, l’ONG dénombre 701 expulsions de camps d’exilés à la frontière franco-britannique.
Une opération policière tous les deux jours. «A minima», précise le rapport pour l’année 2023 de Human Rights Observers (HRO), publié le 23 octobre et rendu public par l’Humanité. L’association s’efforce de recenser et de documenter les actions menées à l’encontre des personnes exilées à la frontière franco-britannique, sur les sites de Calais et de Grande-Synthe, près de Dunkerque. D’après l’observatoire, en 2023, l’Etat a fait preuve du même acharnement contre les exilés que les années précédentes. D’évacuations de campements en destructions des lieux de vies, la police a entretenu des conditions de vie toujours plus dures pour celles et ceux qui doivent perpétuellement se réinstaller avant de tenter la traversée de la Manche.
Dans le Calaisis comme dans le Dunkerquois, les autorités ont enchaîné les expulsions à un rythme devenu routinier. «C’est un véritable harcèlement étatique», résume Laure Saboureux, responsable juridique d’HRO. «C’est devenu habituel dans l’esprit des gens mais pour les personnes exilées la charge est toujours considérable», poursuit-elle. En un an, 662 expulsions de lieux de vies ont été recensées dans la zone de Calais et 39 pour celle de Dunkerque. Au total, ce sont plus de 18 800 personnes qui ont subi une traque quasi quotidienne d’après l’association.
Le rapport rendu par HRO estime que 75 expulsions ont eu lieu en moyenne chaque mois en 2023 contre 140 en 2022. Une baisse apparente qui ne donne pourtant pas de quoi se réjouir aux observateurs. «Il y a simplement moins de lieux de vie expulsés à chaque opération, explique Laure Saboureux. La fréquence des interventions, elle, n’a pas baissé. Il y en a toujours en moyenne toutes les 48 heures», précise-t-elle. Pas de répit donc pour les personnes exilées qui peuvent voir leur campement détruit à tout instant. «C’est une violence symbolique et psychologique qui s’ajoute aux violences physiques. A n’importe quel moment, ils peuvent voir arriver des policiers surarmés pour les expulser», témoigne la juriste.
Confiscations
En novembre 2023, les tempêtes Ciaran et Domingo frappaient coup sur coup le Nord-Pas-de-Calais entraînant des crues records et des inondations d’ampleur. Pas de quoi freiner les opérations de police, quitte à accroître le danger pour les exilés vivant sur des terrains vagues ou sous des ponts. «Alors que les tempêtes, crues, inondations et températures basses se succédaient, Human Rights Observers a recensé au moins 90 expulsions en novembre et 87 en décembre, soit le plus grand nombre d’expulsions relevées mensuellement pour l’année 2023», pointe le rapport.
Pire, les observateurs de l’association ont noté que les confiscations de matériel pour s’abriter ont augmenté lors de cette période. En novembre, HRO a enregistré la saisie d’au moins 121 tentes et 31 bâches, soit deux fois plus que le mois précédent. 214 tentes et 21 bâches ont de nouveau été retirées en décembre. «Le but, c’est de créer un environnement hostile pour décourager les personnes exilées, en rendant les conditions de vie insupportables», détaille Laure Saboureux. «Alors qu’ils avaient les pieds dans l’eau, sur des terrains vagues, il y a eu plus d’expulsions et plus de matériel saisi. Les palettes, qui servent de pilotis ont été particulièrement ciblées, relate-t-elle. Ce n’est pas anodin.»
Un travail entravé par la police
Là encore, les chiffres avancés par HRO ne prennent en compte que les moments où l’ONG a pu faire son travail d’observation. Une tâche rendue difficile par l’action de la police pour tenir les membres de l’association à bonne distance. Dans son rapport, HRO révèle que ses équipes ont été bloquées à 592 reprises par la mise en place de périmètres de sécurité. L’organisation dénonce aussi les intimidations physiques et morales dont sont victimes les observateurs comme des remarques sexistes, des bousculades, ou des enregistrements vidéo avec les téléphones personnels des policiers. «On voit l’intérêt de notre présence, on veut nous empêcher d’être témoins», réagit Laure Saboureux. Même si les policiers ne font «qu’appliquer des consignes absurdes», tempère-t-elle.
Pour l’année 2024, la situation risque de ne pas s’arranger. Human Rights Observers a déjà comptabilisé près de 670 expulsions entre le mois de janvier et le 20 octobre. Des chiffres qui devraient encore s’amplifier d’ici à la fin de l’année.
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