A Crac’h dans le Morbihan, l’Uzinou tisse local et collectif

A Crac’h dans le Morbihan, l’Uzinou tisse local et collectif

Главная страница » A Crac’h dans le Morbihan, l’Uzinou tisse local et collectif
Panorama des tiers-lieuxdossier

L’espace partagé breton, associé à d’autres structures des environs, a permis de mutualiser machines et compétences autour du textile, puis de mettre en place des formations. Un pôle plastique permet aussi le recyclage des rebus locaux.

A l’occasion des rencontres nationales des tiers-lieux à Toulouse, retour sur ces endroits où se construisent des projets collectifs favorisant l’économie circulaire, l’insertion, l’alimentation durable…

Le cœur du réacteur de l’Uzinou, tiers-lieu du Morbihan, ce sont les deux spacieuses tables de coupe, installées au centre du plateau technique de couture. Sur l’une, Monique trace le patron d’une combinaison sur une soyeuse viscose verte avec l’aide de Doriane Grégoire, couturière-modéliste et formatrice. Sur l’autre, les travailleurs de l’Esat (Etablissement et service d’accompagnement par le travail) peaufinent des calendriers de l’avent cousus main, tandis que Zoé Jiquel, designeuse textile, imagine les finitions de ses torchons sérigraphiés, taillés dans des draps anciens récupérés chez sa grand-mère. Sur les machines qui bourdonnent tout autour, on pique, on surfile, on surjette. Un mardi matin ordinaire dans cette ruche multicolore.

Le besoin d’un lieu collectif centré sur le textile est apparu dans le contexte de la pandémie, lorsque Delphine Barre a lancé avec des consœurs couturières L’usine invisible, une fabrique de masques de protection. «Une communauté est née dans l’urgence à cette période-là, se souvient la créatrice. Nos échanges ont mis en avant la nécessité de mieux valoriser nos productions et de tisser plus de liens entre nous.» Emerge alors l’idée de mutualiser de l’espace et des machines.

Couture sur voiles recyclées

A l’époque, deux espaces de travail partagés existent déjà dans le secteur d’Auray : l’Argonaute, plutôt tourné vers les artisans, et la Fabrique du Loch, un fablab qui nourrit le projet de recycler des déchets plastiques en circuit court. «C’est à partir de ces deux envies et de ces deux structures que nous avons imaginé la création d’une manufacture de proximité, avec l’objectif de relocaliser de la production sur le territoire en offrant de nouveaux outils», poursuit Delphine Barre. En 2022, l’Uzinou obtient ce label national. Un Esat, les Ateliers alréens, se joint à cette dynamique, ajoutant une dimension inclusive au tiers-lieu breton. «L’Esat disposait d’un local, qu’il était prêt à nous louer, mais au-delà de ça, nos activités ouvraient de nouvelles perspectives pour leurs travailleurs en situation de handicap.»

Après un an de travaux et de nombreuses réunions publiques pour continuer à écrire ce projet avec les acteurs du territoire, l’Uzinou se pare d’une fresque aux couleurs vives et un premier «apéro textile» est organisé fin août 2023. Depuis lors, des cours de couture sont proposés trois fois par semaine et ce volet formation va monter en puissance. Quatre professionnelles, spécialisées dans la sellerie, la couture à partir de voiles recyclées, le tufting et le design, se sont installées dans le grand local.

Une nouvelle vie pour les détritus en plastique

Parfois, ce sont les salariés de l’Esat qui accueillent leurs clients, l’espace commun favorisant des échanges fluides entre tous les usagers de l’Uzinou. «Pour les personnes en situation de handicap, c’est très valorisant de travailler en dehors de l’Esat et d’apprendre un nouveau métier», explique Sylvie Dejoie, monitrice des Ateliers alréens et couturière. Alors qu’ils ne connaissaient rien des secrets du point zigzag ou du droit-fil, cinq de ces salariés ont appris les rudiments de la couture en quelques mois. Ils confectionnent actuellement leur première production professionnelle pour l’entreprise Papa Pique et Maman Coud. «Un challenge puisque nous avons 400 calendriers de l’avent en commande !», reconnaît Sylvie Dejoie, pas peu fière des progrès de son équipe. Zoé Jiquel a d’ailleurs prévu de faire appel à eux pour coudre ses torchons sérigraphiés. «Ça change tout pour moi d’être ici, reconnaît l’entrepreneuse, qui veut réenchanter notre rapport aux vêtements. Le fait que nous soyons spécialisés sur le textile permet des synergies. C’est plus qu’un lieu où sociabiliser et éviter de devenir ourse : c’est un endroit qui permet d’imaginer d’autres possibles !»

Les pôles textile et plastique sont séparés par une épaisse cloison mais l’Uzinou favorise là aussi les échanges. Thiébaut Gilles-Le Du, responsable de la production, a justement besoin de conseils couleurs. Zoé pourrait-elle partager sa connaissance des tendances du moment ? Marché conclu autour de la pause déjeuner. L’objectif de l’atelier plastique est de sauver de l’incinération ou de l’enfouissement des déchets produits dans le Morbihan et de les recycler localement. «En ce moment, on a des capots de containers à ordure, des bateaux de l’école de voile et des petits emballages, comme des bouchons, détaille Thiébaut. En dessous d’un certain volume, ça n’intéresse pas les recycleurs.» Une fois broyés et réduits en granulats, un procédé de thermocompression permet de transformer ces rebuts en plaques robustes, destinées à de l’agencement ou du mobilier. Le mélange des granulats et une petite dose de hasard permettent de créer des rendus esthétiques et uniques. Pas si loin du textile, finalement.

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *