Succès des tiers-lieux : «Nous avons grand besoin d’espaces collectifs de rencontre»

Succès des tiers-lieux : «Nous avons grand besoin d’espaces collectifs de rencontre»

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Panorama des tiers-lieuxdossier

Enseignant à Sciences-Po Bordeaux, Timothée Duverger revient sur la création de ces endroits et leur rôle dans une société qui change ses modes de vie.

A l’occasion des rencontres nationales des tiers-lieux à Toulouse, retour sur ces endroits où se construisent des projets collectifs favorisant l’économie circulaire, l’insertion, l’alimentation durable…

Timothée Duverger, spécialiste de l’économie sociale et solidaire, est responsable de la chaire TerrESS à Sciences-Po Bordeaux. Il observe depuis des années la fragilité du lien social que les tiers-lieux tentent de vivifier.

Qu’est-ce qu’un tiers-lieu ?

C’est d’abord un lieu de lien social, qui accueille des activités variées, à la croisée de la vie professionnelle, domestique, des loisirs, des sphères marchande et publique. Hybride et innovant, il peut prendre des formes extrêmement diverses. Aujourd’hui, en France, plus de la moitié des tiers-lieux proposent des espaces de coworking, 31 % programment des activités culturelles, 28 % sont aussi des fablabs, 10 % sont «nourriciers», par exemple via une épicerie…

Les tiers-lieux sont une invention plutôt récente. Quelle est leur origine ?

Ils sont apparus aux Etats-Unis dans les années 80, en réponse à l’érosion du lien social, liée à l’extrême résidentialisation des banlieues américaines. Dans de vastes zones de logements déconnectées des commerces, de l’emploi et de l’activité, les tiers-lieux essaient de recréer des espaces de vie qui replacent les habitants au centre.

En France, les tiers-lieux se développent depuis les années 2000, et ils connaissent une extension très rapide à partir de 2010, à la faveur de politiques publiques locales, puis nationales, notamment via le groupement d’intérêt public France Tiers-Lieux. Ainsi, le premier espace de coworking a été créé en 2008 à Paris ; le premier fablab à Toulouse l’année d’après. Aujourd’hui, ils sont plus de 3 500. S’ils sont nés en ville, ils sont désormais répartis dans tout l’Hexagone, et ils sont de plus en plus nombreux en milieu rural. Il faut tordre le cou au cliché d’espaces urbains et ultra-connectés : plus de 60 % des tiers-lieux sont implantés en dehors des métropoles.

Que révèle cet essor rapide des tiers-lieux ?

Il traduit des besoins non satisfaits, notamment en termes de lien social. Là où les guichets ferment, où les services publics ont tendance à décliner, les tiers-lieux viennent recréer des activités sociales, économiques, culturelles. Mais ils répondent aussi à de nouvelles aspirations, à d’autres façons de faire, de travailler, de consommer, de manger. Cela passe souvent par la recherche d’une reterritorialisation (il s’agit de faire avec les ressources locales), et d’une plus grande flexibilité, notamment dans le travail. Les tiers-lieux ne sont pas des prestataires de services : ils favorisent l’engagement et l’implication citoyenne par leur structure même, car la plupart sont des associations. Ce sont des lieux de brassage et de bricolage, au sens positif du terme, c’est-à-dire qu’ils témoignent d’une forte capacité d’invention.

Quel est l’écueil principal de cette forme d’organisation ?

Leur modèle économique pose question, car dès lors qu’on se situe sur des missions d’intérêt général, les activités ne sont pas forcément rentables, et les publics ne sont pas toujours solvables. Comment trouver l’équilibre ? Jusqu’où aller dans la marchandisation ? La puissance publique a ici un rôle de soutien à jouer, sans doute dans une nouvelle posture qui ne serait plus «On va vous dire comment faire et financer» – de toute manière, elle n’a plus les moyens ! – mais plutôt, «On vous soutient, car vous êtes les plus à même de savoir quels sont vos besoins et comment y répondre.»

Face au déclin des services publics dans certains territoires, on pourrait regretter que les tiers-lieux ne soient que des pansements posés sur une plaie béante…

On pourrait peut-être le penser des Maisons de services au public ! Mais c’est moins vrai pour les tiers-lieux, qui relèvent la plupart du temps d’initiatives citoyennes portées par une forte envie de s’investir localement. Ce n’est pas de la poudre aux yeux. Bien sûr, les tiers-lieux n’ont vocation ni à remplacer le service public, ni à se transformer en opérateurs de service. Ils y perdraient leur âme. Mais ce n’est pas parce qu’un dispositif est petit qu’il est inefficace. L’enjeu n’est pas de faire grossir ce type de lieux, mais plutôt de les multiplier. Car dans notre société qui tend à s’atomiser, nous avons grand besoin d’espaces collectifs de rencontre, de vie, d’activités, de cohésion.

On songe aux cafés, aux marchés, aux places publiques, aux associations… Tout cela n’est pas neuf. Les tiers-lieux réchauffent-ils une vieille idée ?

Je ne dirais pas cela. Le lien social mute, la famille d’aujourd’hui n’est plus celle du siècle dernier, la place du travail a également changé. Il n’est pas question de proposer le café des années 50, mais plutôt de réinventer ce qu’on a tendance à oublier, et qui est pourtant au fondement de notre société : le lien social. C’est la première mission de la puissance publique, mais sa fragilité est ce dont nos sociétés souffrent le plus. L’essor des tiers-lieux nous dit la nécessité d’y consacrer un ministère à part entière !

Libération

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