Conserver le numéro d'un être cher disparu : "C'est garder un infime morceau de sa vie"

Conserver le numéro d’un être cher disparu : “C’est garder un infime morceau de sa vie”

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« Ma mère est décédée il y a huit ans et c’est seulement maintenant que j’ai décidé de supprimer son numéro dans mes contacts. Comme si, en gardant son numéro, on la gardait encore un peu, elle. C’est tellement irrationnel ! » C’est la confidence de la comédienne Isabelle Mergault. Son post sur X, datant du 15 octobre dernier, a été vu plus de 900 000 fois et sous ses mots, les internautes ont témoigné à leur tour, livrant eux aussi garder ce « lien digital » avec leur proche décédé.

« Ce numéro, c’est la preuve que ma grand-mère a existé, qu’elle a été là, qu’elle a été joignable », raconte Sabrina, lectrice de 20 Minutes qui a répondu à notre appel à témoignages, quand Amandine, qui a perdu sa mère il y a deux ans s’interroge : « est-ce une manière de se voiler la face ou de faire son deuil ? »

Le téléphone comme un « lieu de recueillement »

C’est surtout une façon de « maintenir la permanence de ce lien dans la symbolique, l’imaginaire lorsqu’il est physiquement et émotionnellement rompu dans la vraie vie » après un décès, analyse le psychologue clinicien Robert Zuili, spécialiste des émotions. Et l’auteur du Pouvoir des liens d’ajouter : « certaines personnes, encrées dans le réel, vont supprimer le contact par praticité, d’autres vont garder le numéro parce qu’ils oublient de le supprimer ou parce qu’il représente une valeur affective. »

« C’est idiot mais c’est ainsi que je le gardais encore un peu avec moi », explique, ainsi, Cathy, dont l’époux est décédé brutalement il y a quatre mois. Même sentiment du côté de Jocelyne : c’est comme si ses proches « étaient toujours là, comme s’ils allaient m’appeler à tout moment, comme si moi je pouvais les appeler à tout moment ».

Alain, lui, considère ces quelques chiffres dans son téléphone comme un « lieu de recueillement ». Laurie laisse même le téléphone de son père, décédé brutalement, « toujours allumé sur le comptoir de la cuisine comme il avait l’habitude de le poser, comme si à tout moment il rentrait à la maison et l’utilisait ».

« Attention à rester dans le réel »

Il faut toutefois faire « attention à rester dans le réel », alerte Robert Zuili. « C’est à chacun de déterminer si ce numéro fait plus de bien ou de mal et de comprendre pourquoi on veut le garder », poursuit le psychologue, qui conseille de « supprimer le numéro, les échanges ou les messages vocaux si la personne en souffre ».

Pour Robert Zuili, écouter des enregistrements audios d’un défunt « peut être la traduction d’un déni ». Car « réentendre la voix, créer l’illusion que l’autre existe toujours, c’est prendre le risque de ne pas s’autoriser à se détacher », analyse le spécialiste. Est-ce le cas de d’Hélène qui écoute les messages vocaux de la messagerie de sa mère décédée « pour être sûre de ne pas oublier sa voix » ? « C’est une petite boîte à souvenirs que j’ouvre quand j’en ai besoin. », nous explique-t-elle. Est-ce aussi le cas de Cindy qui écoute « la voix de papa » avec ses filles lorsque celles-ci le demandent ?

« S’autoriser à faire le deuil »

« Certains vont garder un bijou, d’autres vont garder le numéro de téléphone », comme le dit Robert Zuili, et Rosellini, elle, a longuement discuté avec son fils et lui a « proposé de reprendre le numéro de sa grand-mère ». Déborah est allée plus loin en payant tous les mois l’abonnement téléphonique de son frère décédé d’un accident de voiture : « conserver sa ligne, est une manière pour moi de conserver un infime morceau de sa vie. »

Pourtant, insiste Robert Zuili, il faut « s’autoriser à faire le deuil et faire surgir la nostalgie, qui est la version positive de la tristesse… Ce qui n’est possible que lorsqu’on ne souffre plus de manière intense de la disparition de l’autre ». Serait-ce possible pour Noémie ? « Effacer son numéro me donnerait l’impression de perdre [mon oncle] encore une fois. » Et pour Raphaël ? « [Ce numéro], c’est tout ce qu’il me reste alors je ne vais pas volontairement effacer des souvenirs. Ce serait comme brûler des photos avec elle », témoigne ce Montpelliérain de 26 ans.

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« Je ressens souvent le besoin d’écrire, de raconter ma vie, mes joies, mes peines, les nouveautés de ma vie, mes cas de conscience » à « ma meilleure amie, ma sœur de cœur comme on aimait s’appeler », explique Yaëlle à 20 Minutes. Une yaëlle qui serait sur la bonne… voix. Car pour couper au mieux la ligne, Robert Zuili assure qu’il faut « exprimer par écrit tout ce qu’on n’a pas pu dire à la personne de son vivant ».

20 Minutes

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