La marque de glaces américaine a porté plainte mercredi 13 novembre contre le géant de l’agroalimentaire Unilever, l’accusant de museler son positionnement sur la guerre au Moyen-Orient et d’avoir tenté de démanteler son conseil d’administration.
Soutien à un cessez-le-feu à Gaza, au transfert de réfugiés palestiniens vers le Royaume-Uni, aux manifestations étudiantes américaines, à l’arrêt de l’aide militaire des Etats-Unis à Israël… Ben & Jerry’s, célèbre marque de glaces américaine a porté plainte mercredi 13 novembre contre sa maison-mère Unilever, accusant le géant de l’agroalimentaire et de produits hygiéniques de censure au sujet de la guerre à Gaza.
«Ben & Jerry’s a essayé de s’exprimer publiquement en faveur de la paix et des droits de l’homme, est-il écrit dans la plainte consultée par l’agence Reuters. Unilever a réduit au silence chacun de ces efforts». Ce qui violerait les termes d’un accord juridique entre les deux parties.
«Perception d’antisémitisme»
Ben & Jerry’s a tenté à quatre reprises de se positionner clairement sur la guerre en cours dans l’enclave palestinienne entre Israël et le Hamas depuis plus d’un an maintenant. Mais l’entreprise assure que Peter ter Kulve, le responsable des glaces chez Unilever, était réticent vis-à-vis de ses prises de position, s’inquiétant de la «perception persistante d’antisémitisme» qui aurait pu en résulter pour le glacier.
Mais ce n’est pas l’unique raison de cette plainte : Unilever aurait même récemment tenté de démanteler le conseil d’administration indépendant de Ben & Jerry’s et d’en «intimider» les membres en les menaçant de poursuites judiciaires si l’entreprise publiait un appel à un cessez-le-feu à Gaza. Or, dans le cadre de l’accord entre les deux sociétés, Unilever doit «respecter et reconnaître la responsabilité première du conseil d’administration indépendant de Ben & Jerry’s», à savoir le contrôle de son image de marque.
En réponse, Unilever a déclaré dans un communiqué envoyé à Reuters être «de tout cœur avec toutes les victimes des événements tragiques survenus au Moyen-Orient». «Nous rejetons les allégations [de Ben & Jerry’s] et nous défendrons notre cause avec fermeté. Nous ne ferons pas d’autres commentaires sur cette affaire juridique», a ajouté le groupe.
«Trop critique»
Ce procès est le dernier signe en date des tensions qui couvent depuis longtemps entre Ben & Jerry’s et Unilever, qui a racheté le glacier en 2000. Un fossé s’est creusé entre les deux entreprises en 2021, lorsque la marque glacée a pris la décision de ne plus vendre ses produits en Cisjordanie, dont une partie du territoire est colonisée par Israël. Ce qui avait fait perdre des investisseurs et porté un coup aux ventes d’Unilever. En réaction, le groupe avait vendu les activités de Ben & Jerry’s à un partenaire en Israël. Le glacier avait alors intenté une action en justice pour bloquer cette transaction, qui aurait été effectuée sans son consentement, précise le New York Times. Le procès a été réglé à l’amiable un an plus tard.
Unilever était également tenu, en vertu de l’accord trouvé en 2022, de verser cinq millions de dollars (475 millions d’euros) à Ben & Jerry’s pour permettre à la marque de faire des dons aux groupes de défense des droits de l’homme de son choix, selon la plainte déposée mercredi. Ben & Jerry’s a notamment choisi l’organisation de gauche Jewish Voice for Peace, provoquant à nouveau le désaccord d’Unilever, qui, en août dernier, s’était opposé à cette donation, affirmant que cet organisme était «trop critique à l’égard du gouvernement israélien».
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Des faits qui vont à l’encontre de la «responsabilité sociale» dont se réclame Ben & Jerry’s, marque cofondée par Ben Cohen et Jerry Greenfield dans une station-service rénovée en 1978. Ben & Jerry’s a d’ailleurs déclaré dans sa plainte chercher à «protéger l’entreprise des excès répétés d’Unilever». Depuis sa création, la marque de glace prend régulièrement position lors des élections américaines (Ben Cohen s’était vivement opposé à George W. Bush) ou contre la discrimination carcérale dans son pays natal.
Mais Unilever ne sera bientôt plus embarrassé par les sorties politiques de sa filiale : le groupe a annoncé se séparer de ses activités dans le domaine des crèmes glacées, dont Ben & Jerry’s, d’ici à la fin de l’année 2025. L’objectif mis en avant dans cette démarche est de «simplifier» ses activités.
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