L’intelligence artificielle à la place du ministre des Finances, un calcul périlleux

L’IA pourrait devenir un outil puissant pour gérer nos comptes publics, mais ne doit pas se transformer en décideur. Car elle n’est pas neutre et ne peut surtout pas comprendre les besoins humains, alerte Yasmine Aoullay, fonctionnaire au ministère marocain de l’Economie et des Finances.

Imaginez un instant la scène : une intelligence artificielle fraîchement programmée. Pas de discours inaugural ni de poignées de mains chaleureuses. Seulement une annonce sans une once d’indétermination, promettant une gestion rigoureusement objective, mais peut-être aussi terriblement déshumanisée, des finances publiques. Les agents de presse affluent pour immortaliser ce moment historique où une machine prend le relais. Elle ne porte ni cravate ni veste, ne connaît ni fatigue ni mauvaise humeur et, sans le moindre soubresaut de panique, fait une déclaration sur ses nouvelles fonctions, avec quelques promesses sur la réduction du déficit et de l’inflation.

Cela peut sembler inimaginable, mais l’idée de confier la gestion des finances publiques à une IA n’est plus un délire de science-fiction réservé aux romans dystopiques. A l’heure où la technologie bouleverse nos habitudes, des Etats pourraient sérieusement se demander si un algorithme ne ferait pas mieux que nos responsables politiques, sujets à des élans populistes et à des fluctuations d’humeur.

Une IA semble offrir un avantage inestimable : la neutralité. Elle n’a ni partis pris ni comptes à régler avec un parti d’opposition. Aucun lobby ne viendra glisser une enveloppe dans ses circuits… a priori. L’idée qu’une machine puisse établir une fiscalité plus juste, optimiser l’utilisation des fonds publics sans les douloureux arbitrages idéologiques, est séduisante.

Mais soyons sérieux : confier à un programme le soin de réfo