Face aux maires, le show plein d’amabilités de Michel Barnier

Face aux maires, le show plein d’amabilités de Michel Barnier

Главная страница » Face aux maires, le show plein d’amabilités de Michel Barnier
Bien accueilli par des élus locaux finalement conciliants, le Premier ministre a entremêlé traits d’humour et caresses dans le sens du poil, sans faire mystère de sa précarité politique.

La fosse aux lions n’était qu’un panier de gros chats. Chauffé à blanc par les cinq milliards d’euros d’économies budgétaires envisagés par le gouvernement Barnier pour les collectivités locales, le congrès de l’Association des maires de France (AMF) a réservé un accueil ronronnant au Premier ministre jeudi après-midi. «J’ai bien fait de venir !», savoure le chef du gouvernement, reçu par une salve d’applaudissements au parc des expositions de la porte de Versailles (Paris). Armé de cinquante ans de vie politique, le Savoyard déroule son numéro de stand up pour élus locaux. Une caresse pour André Laignel, l’inamovible numéro 2 de l’AMF et éternel dénonciateur d’un Etat étrangleur de communes : «Je lui ai succédé comme le benjamin des présidents de conseils départementaux en 1982. C’est un titre qu’on perd assez vite.» Une pirouette pour David Lisnard, le maire LR de Cannes et président de l’AMF, qui accuse les gouvernements successifs de «flatter» les maires à leur congrès avant de les «taper» au budget : «Il n’y a aucune chance que je sois flatté au budget, ironise le Premier ministre sous la menace d’une motion de censure du Rassemblement national. Je vous remercie de ne pas trop me taper au congrès !» Rires de la salle pour celui qui concède que certains le trouvent parfois «un peu trop sérieux» et «pas très marrant». Que des mauvaises langues.

Contrepied des macronistes

L’accueil est d’autant plus aimable que Barnier avait pris les devants en annonçant dès mercredi une remise en cause du zéro artificialisation nette (ZAN), grand sujet de discorde entre l’Etat et les maires qui se lamentent de ne plus pouvoir bétonner en paix. L’objectif du ZAN pour 2050 reste intact, mais le palier intermédiaire fixé pour 2031 sera assoupli par une loi. Jeudi, le Premier ministre a continué à brosser les élus dans le sens du poil en alignant paroles apaisantes et concessions catégorielles. «Sans tabou et sans idéologie» sur un retour du cumul des mandats, il pourfend ces satanées «normes» qui pèsent sur les communes et promet un texte sur le statut de l’élu «d’ici le début de l’année 2025». Sur le budget, qui «n’est pas parfait et comporte parfois des injustices», Barnier assouplit «l’effort» demandé aux communes par quelques concessions techniques : les sommes que le projet de loi de finances oblige les communes à mettre en réserve leur seront in fine restituées, et non partagées avec d’autres collectivités. Ça ne coûte pas cher et ça fait plaisir. Surtout, Barnier a le bon goût de ne pas accuser les collectivités locales du dérapage des finances publiques. «C’est d’abord l’Etat qui doit assumer la responsabilité du déficit actuel», déclare-t-il, prenant une nouvelle fois le contrepied des macronistes. Ces derniers ont également été assaisonnés par Lisnard : «On a en commun des détracteurs. Les mêmes qui vous donnent des leçons, y compris budgétaires, sont ceux qui ont planté le pays», a lancé le maire de Cannes au Premier ministre.

Mise en garde adressée au RN et au NFP

Ponctué par une ovation des maires, le discours de Barnier a lourdement insisté sur la fragilité de son bail à Matignon : «Je ne sais pas le temps que j’ai devant moi. Ça dépend d’une éventuelle coalition des contraires, si je puis dire, à l’Assemblée nationale. Je ne sais pas si ça se produira, j’y suis prêt. Je sais que ce n’est pas ce que souhaitent les Français, qui souhaitent aujourd’hui la stabilité, la sérénité.» Une mise en garde adressée au Rassemblement national et au Nouveau Front populaire, dont les voix conjuguées pourraient le censurer à la mi-décembre. Barnier menace à demi-mot d’une tempête économique en cas de chute de son gouvernement. «Je recommande de ne pas avoir la mémoire courte et de faire attention à la crédibilité de notre pays, de notre signature», glisse-t-il en référence à la crise financière de 2008. Habitué aux situations précaires, l’ex-négociateur du Brexit entend malgré tout se projeter vers la suite et concocte une «cinquantaine d’actions et de propositions» à mettre en œuvre dès le début de 2025. La liste doit être affinée au cours d’un nouveau séminaire gouvernemental à la mi-décembre, pile au moment où il risque de prendre la porte. «C’est assez motivant de se dire qu’on peut partir demain matin, veut-il croire. Mais de se dire, aussi, que ce n’est pas sûr et que cela peut durer deux ans et demi.» Le Savoyard a promis de revenir l’an prochain devant les maires «faire l’évaluation» de ce qu’il a annoncé jeudi. «Si je suis toujours là», précise-t-il. Encore des rires du public. L’humour du désespoir, ça marche à tous les coups.

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ionna Vautrin, notre dame des chaises

Le portrait Article réservé aux abonnés Déterminée, bosseuse et joviale, la designer bretonne, nom confirmé de la création contemporaine, signe la «marée» d’assises destinée à meubler la cathédrale parisienne rouverte…