En Guadeloupe, des fruits de moins en moins locaux

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Agriculture

Le nombre de fruits produits sur l’île a diminué de moitié en dix ans. Une situation due en grande partie aux maladies qui frappent certaines cultures, rendant ainsi la population locale dépendante aux importations.

Les 30 hectares qu’occupe Larric Bonine, agriculteur au Lamentin, dans le centre de l’île, ont des allures de paradis fruitier sur fond de montagne verte. Ananas, pomme cannelle, ramboutan (une sorte de litchi), agrumes… Le producteur de 32 ans a délaissé la culture de la canne à sucre il y a huit ans pour celle des fruits : «Je ne fais que des cultures associées. Lorsque je plante des agrumes, je plante aussi de l’ananas. C’est plus rentable financièrement. Les arbres fruitiers mettent deux à trois ans avant de donner quelque chose alors que pour l’ananas, il suffit d’attendre un peu plus d’un an.» Se tourner vers la production fruitière, autre que la banane et plutôt que la canne, n’est pourtant pas une évidence en Guadeloupe. Une étude publiée en septembre par le ministère de l’Agriculture constate qu’en dix ans, la production de fruits (hors banane) a chuté de 50 % dans l’île. Trois fruits sur quatre présents sur les étals des magasins proviennent de l’étranger.

«Perte d’autonomie alimentaire»

Même l’ananas, pourtant omniprésent en Basse-Terre (moitié ouest de la Guadeloupe où se concentre la production fruitière), se raréfie. «En 2010, on en produisait 5 000 tonnes. Maintenant nous sommes plus proches des 2 400 tonnes», déplore Tony Lanclume, directeur départemental de la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) de Guadeloupe. La faute au wilt, maladie qui dessèche les plants depuis plusieurs années sur le territoire. Maladie différente, mais mêmes effets pour le citron vert : l’ensemble de la production a été fortement touché dès 2012 par l’arrivée d’un parasite, le dragon jaune. La production est passée de 5 850 tonnes par an en 2011 à 1 542 tonnes en 2020, selon les données de la Safer. Une chute qui laisse le champ libre aux producteurs étrangers. Ainsi, le citron vert est proposé chez un primeur de la commune de Goyave à 5,60 euros le kilo s’il vient de Guadeloupe et 4,99 euros s’il vient d’ailleurs.

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«La dépendance aux importations reflète une perte d’autonomie alimentaire. Le marché local des fruits, qui autrefois dépendait fortement des producteurs locaux, est désormais dominé par des produits étrangers», renchérit Tony Lanclume. Une tendance à rebours de l’autosuffisance alimentaire à l’horizon 2030 voulue par l’Etat. «Entre le manque d’eau, les difficultés que l’on rencontre à toucher de gros marchés comme les cantines et les retards dans les paiements, les agriculteurs ne tiennent pas le coup», estime Manuel Gérard, animateur de l’interprofession Iguaflhor.

Rétention du foncier par les agriculteurs âgés

Autre obstacle à la production : la terre. Si le chlordécone ne touche pas les arbres fruitiers, le foncier agricole guadeloupéen est victime d’un autre poison : l’indivision. «Vous avez au minimum 12 000 hectares de parcelles sous exploitées ou en inculture. 20 % d’entre elles le sont à cause de problèmes d’indivision où l’on ne sait plus qui est le propriétaire», rappelle Tony Lanclume. S’y ajoutent la vente de terres agricoles pour faire du logement, l’occupation de manière illégale, ou encore la rétention du foncier par des agriculteurs âgés, qui complètent leur retraite avec une petite production vendue en bord de route ou sur les marchés. Près de la moitié des surfaces fruitières font moins de 0,5 hectare : «C’est une agriculture de cueillette. Si la filière était plus structurée, on pourrait agir sur le prix», affirme Alain Plaisir, cofondateur du LKP, (le «collectif contre l’exploitation outrancière» qui réunit des associations et des syndicats) et président fondateur du Comité d’initiative pour un projet alternatif.

Les cultures fruitières, qui occupaient 1 156 ha en 2010, ne représentent plus que 888 ha en 2020 – passant ainsi (hors banane) de 3,7 % à 2,8 % de la surface agricole utilisée. Ce qui s’accompagne d’une baisse du nombre de producteurs : ils ont 18 % de moins aujourd’hui qu’il y a une décennie. «Si on ne fait rien à Basse-Terre, dans dix ans on va perdre la moitié de nos agriculteurs», s’alarme Frédéric Bourseau, président d’AssoFwi et agriculteur : «J’ai 50 ans et je fais partie des plus jeunes. Mes collègues ont entre 75 et 80 ans.»

«Il faut une agriculture planifiée en Guadeloupe. Recenser le foncier disponible et le donner aux jeunes agriculteurs en se focalisant sur les cultures sur lesquelles nous sommes déficitaires et faire du volume en se donnant des objectifs à atteindre. Un fonds d’investissement pourrait être mis en place pour les aider s’ils s’orientent vers les arbres fruitiers», propose Alain Plaisir. Un point essentiel, pour l’économie mais aussi la santé des habitants : selon une enquête conjointe de l’Insee, la Daaf et l’ARS, la population consomme en moyenne 28 % de fruits en moins que dans l’Hexagone à cause du coût de ces derniers.

Libération

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