Les dictons populaires météorologiques sont-ils fiables ? Pas toujours. En voici un exemple, réfuté par la science météorologique, c’est-à-dire par les statistiques. Le dicton ? “Noël au balcon, Pâques au tison”. Autrement dit, s’il fait chaud à Noël, alors il fera froid à Pâques et il faudra sortir le tisonnier pour activer la cheminée (laquelle ne chauffe pas bien, préférez un poêle).
Est-ce vrai ? Un trio de spécialistes en météorologie (1) a décidé de prendre le sujet au sérieux et de le soumettre à l’épreuve de vérité, c’est-à-dire aux statistiques. Et publié leurs résultats dans la revue de la Société Française de la Météorologie et du climat (SMF). Pour ce faire, il fallait bien sûr quantifier, en termes d’écart à la moyenne climatologique, ce qu’est un Noël au balcon, et ce qu’est un Pâques au tison. Les météorologistes ont choisi un seuil à 1,5°C plus chaud pour Noël et 1,5°C plus froid pour Pâques. Une fois cette quantification réalisée, ils ont fouillé les archives de Météo France pour y découvrir si, oui ou non, il fait froid à Paques lorsqu’il a fait chaud à Noël.
Le résultat est sans équivoque : le dicton ne fonctionne pas la plupart du temps. À l’échelle de l’Hexagone, entre 1947 et 2021, le dicton ne se vérifie que 11 fois sur 75 années. Autrement dit, trois fois en 20 ans. Ces années ? 1952, 1959, 1974, 1977, 1985, 1989, 1997; 2000, 2012, 2013 et 2014. Et pas une seule fois entre 2015 et 2021.
- Un dicton plus souvent faux que vrai, c’est déjà dur pour la croyance populaire. Mais il y a pire.
- Ce sont les années à “anti-dicton”, Noël au tison, Pâques au balcon, c’est-à-dire celles où c’est l’inverse de ce qu’il prétend qui survient : il a fait plutôt chaud à Paques alors qu’il a fait froid à Noël.
- L’anti-dicton se vérifie en 1948, 1961, 1975, 1986, 2005, 2010. Donc, petite consolation, moins souvent que le dicton.
Curieux de vérifier si le dicton avait tout de même une réalité à l’échelle régionale, le trio a délaissé l’indicateur thermique hexagonal pour fouiller les archives à l’échelle des régions. Là aussi, aucun équivoque : le dicton ne se vérifie pour aucune région. Toutefois, ils observent qu’il est un peu moins faux dans le nord de la France que dans le sud.
Enfin, le trio a été intéressé par la succession des années 2010, 2011 et 2012. Elle montre en effet à quel point les années se suivent et ne se ressemblent pas. En 2010, toutes les régions obéissent à l’antidicton, en 2011 quatre régions suivent le dicton mais la majorité ne le suit pas. En 2012, la majorité des régions, sauf la frange sud du pays, suit le dicton.
Conclusion ? Les “savoirs populaires” sur la météo et le climat peuvent parfois avoir raison, mais lorsqu’on les met au péril de leur vérification par une approche scientifique, ils risquent de se voir démasqués comme des croyances sans fondements réels.
Sylvestre Huet
(1) Florianne Jean, École nationale de la météorologie, Simon Mittelberger et Matthieu Sorel, Direction de la climatologie et des services climatiques, Météo-France.
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