Aides a 40 ans : en Alsace, la prévention contre le VIH/sida en prison à la peine

Aides a 40 ans : en Alsace, la prévention contre le VIH/sida en prison à la peine

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AIDES : 40 ans de mémoires de lutte contre le VIH/sidadossier

Depuis six ans, les antennes locales de Aides mènent des protocoles de réduction des risques en milieu carcéral. Un travail de longue haleine pour convaincre détenus et administration de leur intérêt.

Il y a cette remarque que Caroline Papelier entend parfois lorsqu’elle anime des interventions en milieu carcéral : «On n’est pas pédés, pourquoi vous proposez des capotes ?» Accompagnatrice en santé communautaire à l’antenne Aides de Strasbourg depuis six ans, la trentenaire raconte comment, en une à deux heures, le discours des détenus qu’elle rencontre évolue. «Et à la fin de notre intervention, ils sont à fond !», complète sa collègue Aline Primus, de l’antenne Aides de Mulhouse. «Ils nous disent qu’ils ne se prêteront plus leur tondeuse entre eux et qu’ils reviendront se faire dépister», ajoute-t-elle.

Depuis 2018, Aides intervient au sein de trois établissements pénitentiaires en Alsace dans le but d’appliquer une dimension inscrite dans l’ADN de l’association : la santé communautaire. «C’est l’idée d’impliquer les personnes dans la réflexion, pouvoir analyser leurs besoins grâce à eux et avec eux. Une forme d’autonomisation en santé», traduit Riad Drissi, coordinateur de Aides en Alsace et membre de l’association depuis dix ans.

«Il y a urgence à ce que la loi soit appliquée»

Dans la maison centrale d’Ensisheim, le centre pénitentiaire de Lutterbach et le centre de détention d’Oermingen – où les détenus purgent des peines de plus de deux ans –, Aides Alsace, qui compte sept salariés et une quarantaine de membres, met en place des actions où les personnes incarcérées ne sont plus seulement un numéro d’écrou. «Un nom, un prénom, c’est plus valorisant», souligne Riad Drissi. Des actions qui essaient aussi d’instaurer des protocoles de réduction des risques (RDR), dont le principe d’équivalence des soins entre milieu ouvert et milieu fermé a été inscrit dans la loi santé de 2016… Huit ans plus tard, le décret d’application n’a toujours pas été publié, poussant 17 associations, dont Aides, à réagir. En janvier dernier, devant le parvis du ministère de la Justice, elles ont manifesté pour réclamer l’application du volet carcéral de la loi.

Pour Florian Valet, administrateur de Aides et référent prison au sein de l’association, c’est «une question d’urgence sanitaire». «Malheureusement, en prison, on sait que les personnes ont six à dix fois plus de risques d’être contaminées par le virus du VIH. Parce que le virus circule et que les conduites à risques sont nombreuses», décrit-il. Et de poursuivre : «Un tiers des personnes qui entrent en prison présente une problématique addictive hors tabac. Il y a urgence à ce que la loi soit appliquée.» En Alsace, les actions de Aides en milieu carcéral sont subventionnées par le coordinateur régional de la lutte contre l’infection due au VIH (CoreVIH Grand Est), qui, en 2017, a répondu à l’appel à projets de l’agence régionale de santé sur la «réduction des risques et des dommages en maison d’arrêt». Le projet bénéficie d’un financement dédié à hauteur de 450 000 euros. En France, le Grand Est est la seule région à proposer un tel dispositif dans les vingt-quatre établissements pénitentiaires répartis entre Alsace, Lorraine et Champagne-Ardenne.

«Un travail de longue haleine»

Malgré cette coordination régionale, l’application de la RDR derrière les barreaux ne doit parfois son salut qu’aux bonnes volontés des administrations pénitentiaires et des unités de soins en détention. «Que nous mettions à disposition un kit “Roule ta paille” [quinze feuilles destinées à être roulées pour sniffer, ndlr] ou un kit de seringues stériles, cela peut être perçu comme de l’incitation, là où la prison axe davantage sur le sevrage», soupire Caroline Papelier. «Le débat se cristallise autour du programme d’échanges de seringues alors qu’en détention, ça touche finalement peu de personnes», complète Riad Drissi. Il note un «travail de longue haleine» auprès du personnel pénitentiaire : «Aujourd’hui, les surveillants sont plus ouverts à parler de réduction des risques. Et ils comprennent davantage le sens de nos venues en prison, ils nous le disent.»

Reste que les conditions d’accès à cette réduction des risques en détention ne sont pas suffisantes. Et pour les militants, les freins ne se cachent pas dans des difficultés financières : «Un kit de seringues stériles ne coûte que 83 centimes pièce, c’est bien un problème politique», estime Riad Drissi. Sa collègue Caroline Papelier coupe court : «La prison est censée être un espace de privation de liberté, pas un lieu de punition supplémentaire.»

Libération

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