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Beau livre
Russell Banks, William Boyle, Joyce Carol Oates, Jay McInerney, Lauren Groff… Dans le Sud et en remontant la côte Est, une tournée d’autrices et d’auteurs en textes et photos.
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Après avoir sillonné l’Ouest américain pour le beau livre Amérique, des écrivains en liberté (Albin Michel, 2016), le duo Alexandre Thiltges (aux textes) et Jean-Luc Bertini (aux photos) poursuit sa description fond et forme des Etats-Unis à travers ses autrices et ses auteurs en embrayant vers le Sud et la côte Est, de la Nouvelle-Orléans à New York. Là où le premier volume se plaçait sous l’égide de Jim Harrison, celui-ci s’ouvre et se ferme avec Russell Banks, vu chez lui, dans les Adirondacks Mountains, à dix ans d’intervalle. L’écrivain disparu en 2023, à 82 ans, est «sans conteste notre nouveau parrain». Le fait que les rencontres s’étendent sur plusieurs années (une quinzaine en l’occurrence) offre de voir d’autres morts revenir à la vie. C’est ailleurs le cas de Brad Watson (1955-2020) ou de Paul Auster (1947-2024), ce dernier via son épouse Siri Hustvedt.
Rapport aux paysages alentour
Trente-deux écrivains et autant de portraits. Certains noms sont bien connus des lecteurs français (William Boyle, Jay McInerney…), d’autres moins (Beth Ann Fennelly, Tom Cooper…). Chacun est toutefois logé à la même enseigne : quatre doubles pages introduites par une photo, une trajectoire – vie et œuvre – retracée dans ses grandes lignes, des questions récurrentes (rituels d’écriture, rapport aux paysages alentour) et, en chemin, quelques données socio-économiques pour, in fine, apporter une pièce supplémentaire au puzzle d’un pays dont on sait la fracture. Ce «road-trip littéraire», prévient-on d’entrée, s’entame «sur un air de blues» pour les raisons que l’on sait. Cherchez l’ombre de Donald Trump, elle se dérobe. Ron Rash : «Vous n’entendrez jamais ça aux informations, mais écoutez-moi bien, le pays de Trump, ce n’est pas ici, c’est à New York ! Trump ne vient pas de Caroline du Nord, il vient de New York ! Où est-ce qu’il a appris à être un tel raciste ? Pas ici !»
«Un fusil dans le salon, un pistolet dans la chambre»
En «majesté», les écrivains ? Personne ne sera en effet malmené dans ces pages, l’admiration prime. Pour autant, la vie d’auteur ne fait pas toujours rêver. Vivian Gornick ne «la recommande à personne» : on est seul et on s’ennuie. Barbara Kingsolver souffre d’insomnies, comme Jesmyn Ward qui s’endort rarement «avant deux ou trois heures du matin». Pour se protéger de ses voisins, David Joy garde dans sa petite maison de Caroline du Nord «un fusil dans le salon, un pistolet dans la chambre et un fusil dans le coffre-fort». Plus loin, avant d’arriver chez Nana Kwame Adjei-Brenyah, un chauffeur de taxi s’étonne : «Des Frenchies dans le Bronx ? ! Hey, attention, c’est l’Amérique, tout le monde a des armes, ici !» S’agissant de spiritualité, Lauren Groff pense que chacun peut trouver en lui-même une étincelle. «Parfois, cette étincelle est minuscule et il faut la ranimer. Pour tout dire, je pense que même Trump possède une étincelle divine à l’intérieur de lui – mais encore faudrait-il qu’il la trouve !» Avant de se mettre au travail, cette lectrice vorace («trois cents livres par an») a troqué ses litres de café contre une unique tasse de déca. Le secret de forme de la très prolifique Joyce Carol Oates vous sera révélé vers la fin : vélo et marche rapide. Le principal plaisir d’une telle traversée consiste, petits détails et grands espaces, à avoir le sentiment d’être invité partout.
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