« Les attaques du régime algérien contre Boualem Sansal et Kamel Daoud visent à piéger l’opposition »

« Les attaques du régime algérien contre Boualem Sansal et Kamel Daoud visent à piéger l’opposition »

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Est-il nécessaire pour l’Algérie d’emprisonner Boualem Sansal ? Et pourquoi cette affaire, associée à celle de Kamel Daoud, occupe-t-elle le devant de la scène et focalise-t-elle les débats en Algérie ?

Les autorités algériennes, qui ont mobilisé autour de cette affaire des moyens médiatiques, politiques et juridiques exceptionnels, veulent en faire une affaire d’État et, chaque jour, ajoutent des éléments entretenant la polémique et remobilisant l’attention. Quel intérêt y ont-elles ?

Le prix de l’effet retour de cette affaire est en effet déjà lourd : d’abord pour le pays, dont elle accroît l’isolement en lui donnant l’image d’un pays répulsif et fermé ; ensuite pour le régime lui-même, dont elle dévoile encore plus la brutalité, corollaire de sa fragilité. Boualem Sansal rejoint ainsi les 228 prisonniers d’opinion qui restent toujours dans les geôles du régime algérien, et les centaines d’autres qui les y ont précédés.

Si le régime persiste dans cette stratégie et accepte d’en payer le prix, c’est qu’il espère en tirer des dividendes.

Le régime algérien, désavoué de façon humiliante lors des élections présidentielles – largement boudées par les citoyens et marquées par la gravité des dissensions entre ses factions internes –, incapable de masquer son isolement international – comme lors des festivités du 70e anniversaire de la guerre de libération, où seuls deux chefs d’État, le Tunisien [Kaïs Saïed] et le Mauritanien [Mohamed Ould Ghazouani], ont daigné se rendre –, avait besoin d’une diversion. Cela pour desserrer l’étau de rejet qui se referme sur lui, tenter de ressouder sa population autour de lui, et surtout piéger l’opposition en l’amenant à se dédire sur ses revendications démocratiques, notamment concernant la liberté d’expression.

Il rejoue la répression du mouvement de contestation du Hirak

Le régime algérien sait à quel point la question de l’intégrité du territoire national, plus que simplement consensuelle, structure l’inconscient collectif algérien dont la réactivité est toujours exacerbée sur ce sujet. Il sait aussi que, même si cette question ne s’invite pas dans le débat public, il peut la convoquer à tout moment. Et l’instrumentaliser. C’est ce qu’il fait avec les attaques contre Kamel Daoud et Boualem Sansal.

Il rejoue, avec des ingrédients similaires, le même scénario avec lequel il a ouvert la séquence de répression du mouvement de contestation populaire du Hirak, il y a cinq ans, en usant du prétexte de l’« emblème amazigh ». En érigeant celui-ci en concurrent de l’emblème national, il en avait aussi fait une menace de séparatisme territorial interne. Il avait tenté, et en partie réussi, de détourner le débat sur la corruption et l’autoritarisme, ferments du Hirak, en débat autour d’une supposée menace sur l’unité nationale.

Le Monde

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