Exposition «Fait divers» : au Mac/Val, la crème du crime

Exposition «Fait divers» : au Mac/Val, la crème du crime

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Témoignage de braqueurs, reconstitutions avec des poupées, recherche de la sépulture des sœurs Papin… Le musée du Val-de-Marne explore la mécanique du polar par tous les médiums et toutes les tonalités.

L’appartement est sens dessus dessous, les chaises sont renversées, un matelas traîne au sol et un homme gît sur le dos, les bras en croix tandis qu’un autre, assis, mains dans les poches, dos appuyé contre le mur, a les yeux clos, la tête inclinée sur son épaule. Les enquêteurs, feutre sur le crâne et costumes trois-pièces dissimulant leur embonpoint, viennent d’arriver sur place et, pantois, observent la scène de crime. Que s’est-il passé ? La toile, vivement éclairée, brille dans la pénombre où est plongé le Mac /Val pour cette ténébreuse exposition «Faits divers», où les œuvres tendent au spectateur autant d’énigmes que d’indices, reconstituent des scènes de crime, récolte des témoignages, alignent les preuves, mêlent, parfois, fiction et réalité.

La sombre mécanique du polar anime toutes les pièces de telle sorte qu’elle roule toujours jusqu’à son terminus, la résolution de l’énigme. Le tableau inaugural, signé Arroyo, est quant à lui limpide : il fut peint deux ans après la mort de Franco, quand l’artiste, exilé en France, put enfin rentrer chez lui, en Espagne et découvrir sa maison, et son pays, dévastés par la dictature. En revanche, le doute persiste dans les photographies de Corinne May Botz, parce qu’elle montre certes des scènes de crime mais les victimes ne sont jamais que des poupées de chiffon abattues dans leur intérieur domestique. L’artiste a documenté le travail d’une criminologue américaine qui, dans les années 1950, a créé des dizaines de petites maquettes, modélisant des homicides, des suicides ou des décès accidentels, pour former des détectives. Une section entière de Faits divers présente des œuvres qui reconstituent pour tout ou partie des scènes de crime, mettant en forme la difficulté à retracer le fil d’événements tragiques.

Curieuse collection d’objets

Dans The Third Memory (2001), Pierre Huyghe filme l’auteur du braquage d’une banque qui avait inspiré à Sidney Lumet le scénario d’Un après-midi de chien (1975). Les versions s’entrecroisent et se contredisent, butent sur les trous de mémoire de John Wojtowicz, réinventant peut-être le casse bien plutôt qu’il ne le reconstitue. A côté, la curieuse collection d’objets de Lawrence Abu Hamdan (une portière de voiture, une porte en bois, équipée d’une myriade de verrous, trois marches d’un escalier ne menant nulle part et un rideau métallique) semble trop hétéroclite pour avoir la moindre cohérence et trop banale pour avoir la moindre qualité plastique. Mais, une fois activées au tribunal, ces choses ont révélé des sons permettant de retrouver la mémoire acoustique de certains événements. L’exposition ne cherche pas dresser une esthétique du fait divers : sa représentation passe ici par tous les médiums et toutes les tonalités, des plus burlesques (les courtes séquences vidéo d’Absalon réussissant à tourner en mode comique des agressions de rue) au plus minimalistes (les photographies de Bruno Serralongue qui se rend sur des scènes de faits divers après avoir lu l’article qui s’en faisait l’écho dans Nice Matin ne montrent que des lieux sans plus aucune histoire ni trait tragique).

C’est le paradoxe du fait divers auquel se heurte sa représentation visuelle : ses traces disparaissent et n’en restent surtout que des récits écrits, des histoires incroyables, mais vraies. C’est pourquoi les textes abondent dans l’exposition – les photos de Serralongue s’accompagnent ainsi toujours de larges extraits de l’article. Ou alors, il ne reste qu’une tombe, celle par exemple d’une des sœurs Papin, qu’a retrouvée l’artiste Nicolas Daubanes, en même temps que le destin effarant de ces employées de maison qui, en 1933, commettent un double meurtre sur leurs patronnes. A l’époque, l’affaire a divisé la France en deux, d’un côté les milieux populaires prenant fait et cause pour ces deux femmes durement traitées par leurs maîtresses, de l’autre les classes aisées vouant ces meurtrières aux gémonies. Au-dessus d’une petite image de la tombe de Léa Papin, Nicolas Daubanes dresse le portrait des deux meurtrières, avec de la poudre aimantée qui fait flotter au mur, dans un noir et blanc fuligineux, leur visage spectral.

Poignant et terrible

Il y a bien des zones glaçantes dans l’exposition. Qui approche le réel d’un peu trop près parfois quand elle aborde l’affaire Grégory notamment. Les trois peintures de Joël Brisse figurant un petit corps emmailloté à la surface d’une eau mauve, ont beau se teinter de l’évanescence distante d’un pinceau impressionniste, elles font froid dans le dos. «Faits divers» traite donc son sujet sans éviter ce qu’il a de poignant et de terrible. Et la présence dans l’expo de l’œilleton par lequel le docteur Petiot observait ses victimes agoniser (une pièce empruntée au musée de la Préfecture de police de Paris) achève de nous faire pâlir d’effroi.

«Faits divers» au Mac /Val (musée d’Art contemporain du Val-de-Marne) à Vitry-sur-Seine (94400), jusqu’au 13 avril 2025.

Libération

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