«Le Conte des contes», enchanteur Youri Norstein

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Quatre courts du maître russe de l’animation, révéré pour ses sublimes créations en papier découpé, sont réunis pour une heure d’ébahissement vertigineux.

L’air de rien, on n’est pas loin de l’intégrale : mis bout à bout, l’ensemble des images produites par Youri Norstein depuis ses débuts à la fin des années 60 s’élève à tout juste deux heures. Ici, on en a une, et pas n’importe laquelle, puisqu’elle comprend les deux films les plus importants de ce maître russe de l’animation formé aux studios Soyouzmoultfilm et immensément révéré au Japon, où il compte parmi ses plus fervents admirateurs Hayao Miyazaki, Isao Takahata, mort en 2018, et Kunio Kato. Et si les quatre films d’animation en papier découpé présentés dans ce court programme n’ont pas tous eu la même résonance, tous brillent du même feu sacré.

A commencer par la Bataille de Kerjenets (1971), qui ouvre la sélection. Adaptation de la Légende de la ville invisible de Kitège et de la demoiselle Fevronia, opéra de Rimski-Korsakov, mis en images à partir d’éléments de fresques byzantines du XIVe au XVIe siècle. Architectures agressives, ciels de lave, chevaux qui ressemblent à des lévriers géants, cavalcades nocturnes à travers des forêts enflammées : dix minutes d’un souffle hallucinant qui donnent l’impression de voir une symphonie compressée, réduite à son ossature élémentaire mais dont chaque détail reste parfaitement audible, éclatant, précis, vibrant.

Une histoire enfouie de la Russie

C’est cependant dans les trois fables qui suivent, toutes réalisées en étroite collaboration avec sa compagne, la dessinatrice Franceska Iarboussova, que se déchaîne réellement le vertige Norstein. On garde cette impression de bouillonnement constant mais cette fois, les décors explosent : les images sont désormais constituées de plusieurs couches de celluloïd peintes et superposées, les trucs et astuces virent au magique, on gagne en profondeur, relief et perspective – et le ton se fait, lui, nettement plus mélancolique. Ainsi, les deux protagonistes longilignes du Héron et la Cigogne (1974) se livrent à une cour contrariée dans des paysages tourbeux, entre roseaux détrempés et ruines d’un palais délabré gagnées par la végétation. Le formidable Petit Hérisson dans la brume (1975) d’une simple histoire pour enfants (un porc-épic part prendre le thé avec son ami l’ourson) prend les airs d’une épopée horrifique, à mesure que le hérisson s’enfonce dans le brouillard, où se multiplient les hallucinations – dont un arbre géant qui a de toute évidence profondément traumatisé les fondateurs du studio Ghibli.

Et surtout, le génial Conte des contes (1979), qui donne son nom à l’ensemble. Elu meilleur film d’animation de tous les temps aux Olympiades de l’animation de Los Angeles en 1984, cette fable quasi-tarkovskienne est le film le plus intime et personnel de son auteur, collage de souvenirs d’enfance où les pérégrinations d’un petit loup gris se mêlent à des évocations de la Seconde Guerre mondiale pour former une histoire enfouie de la Russie. Trente minutes indéfinissables et sublimes qui forment le cœur brûlant de cette sélection plus qu’incontournable : obligatoire.

Le Conte des contes, les Films de Youri Norstein, 1 h 01, en salles, sortie en DVD et blu-ray en mars 2025.

Libération

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