Boualem Sansal emprisonné en Algérie : ses avocats français et algériens organisent sa défense

Boualem Sansal emprisonné en Algérie : ses avocats français et algériens organisent sa défense

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Mobilisation

Débouté par la justice algérienne ce mercredi, l’écrivain de 80 ans, arrêté le 16 novembre à Alger, reste en prison. A Paris, son éditeur Antoine Gallimard et son avocat français François Zimeray ont présenté leur ligne de défense pour obtenir sa libération : mobiliser les instances internationales et actionner le droit français.

Aujourd’hui avait lieu l’audience en appel du placement en détention de Boualem Sansal, en Algérie depuis le 16 novembre, après son arrestation à l’aéroport d’Alger. Cette demande de remise en liberté, demandée par son avocat français, François Zimeray, a été rejetée par la chambre d’accusation. Boualem Sansal est accusé d’atteinte à la sûreté de l’État pour des propos qu’il a tenus sur l’identité marocaine du Sahara occidental. L’écrivain de 80 ans n’a pas eu le droit de sortir de sa cellule pour participer à cette audience au cours de laquelle il était défendu par deux avocats algériens. François Zimeray, mandaté par Antoine Gallimard, n’a pas obtenu de visa pour venir assister son client en Algérie.

Ceci a été expliqué aux journalistes lors d’une conférence de presse organisée mercredi après-midi dans un salon de la maison d’édition. Kamel Daoud, prix Goncourt 2024, était présent, le visage grave. Antoine Gallimard a pris la parole le premier pour dresser un portrait de Boualem Sansal, insistant sur le «rapport familial» que la maison d’édition entretient avec cet auteur qu’elle publie depuis 1999. Le livre s’intitulait Le Serment des barbares. De ce moment datent les problèmes de Sansal avec le pouvoir algérien, puisque le roman rapprochait les massacres commis pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie et ceux commis pendant la décennie noire (1992-2002), dont la loi algérienne interdit de parler. «Nous avançons pas à pas dans l’ombre noire d’une affaire dont on ne connaît jamais la vérité», tant les «tours de passe-passe» font partie de la rhétorique de l’accusation portée contre l’écrivain, a expliqué Antoine Gallimard.

Des relations «désastreuses» avec l’Algérie

François Zimeray a pris la parole ensuite. Il n’a pas souhaité commenter la fin de non-recevoir qu’a reçue sa demande de visa de la part de l’Algérie. François Zimeray est un ancien diplomate, ce qui explique sa retenue. En février 2015, alors qu’il était ambassadeur de France au Danemark, quelques jours après les tueries contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, il était visé par les islamistes lors d’une fusillade au centre culturel français. En novembre 2023, il a porté plainte pour crimes contre l’humanité auprès de la Cour pénale internationale, au nom de neuf familles d’otages israéliens enlevés le 7 octobre.

Lors de la conférence de presse de ce mercredi, il a insisté sur le fait que, les relations franco-algériennes étant plus «désastreuses» que jamais, il fallait éviter que Boualem Sansal en paie les frais : «Notre rôle est de défendre l’homme, pas le symbole. Ma parole doit être contrainte de ce point de vue», afin qu’aucune aspérité qui se dégagerait d’un discours sur les relations actuelles entre les deux pays ne se retourne contre l’accusé.

Boualem Sansal enfermé à la prison d’El Koléa

Séparer l’homme du symbole sera difficile, puisque Boualem Sansal devient jour après jour le symbole du caractère insupportable que revêt la liberté de pensée et de parole pour le gouvernement algérien. Ses romans, qui ne sont pas édités en Algérie, dénoncent tous le caractère tyrannique du régime, ce que le pouvoir n’accepte pas : «la meilleure façon de lui donner tort serait de le libérer», remarque l’avocat. Il n’adoptera pas une défense de rupture, «parce que ce ne serait pas dans l’intérêt de Boualem Sansal». Théorisée par Jacques Vergès, cette façon de plaider consiste à défendre une cause politique au-delà d’un cas individuel. «Chaque fois qu’un confrère a choisi cette défense, il en est resté des paroles marquantes mais il y a eu des condamnations.» Zimeray estime également que toute manifestation officielle de la France auprès de l’Algérie pour plaider la cause de Boualem Sansal desservirait ce dernier.

Tout ceci fait présager du pire. François Zimeray n’a pas accès au dossier de l’accusation. Boualem Sansal a été transféré de l’hôpital dans lequel il était à Alger pour être enfermé à la prison d’El Koléa, à 35 kilomètres de la capitale. Les avocats algériens n’ont pas été prévenus de ce changement de lieu, mais ont été placés devant le fait accompli dimanche 8 décembre, en arrivant à l’hôpital où ils pensaient trouver leur client.

Parmi les questions posées par les journalistes lors de cette conférence de presse, il y eut celle de savoir ce qu’envisageait François Zimeray dans les jours qui viennent. S’il n’obtient toujours pas de visa dans un bref délai, il mobilisera les instances internationales, a-t-il dit, sans entrer dans les détails du calendrier. Puisque Boualem Sansal est franco-algérien, le droit français pourrait-il jouer en sa faveur ? «Oui». Nous sommes devant un cas de détention arbitraire. Enfin, l’avocat peut-il s’exprimer librement avec ses deux confrères algériens désignés pour assurer la défense de l’écrivain ? «Je peux m’exprimer fréquemment avec eux», répond François Zimeray. Dans l’assistance, une voix féminine a dit que, sans doute, même les Algériens entre eux ne pouvaient pas s’exprimer librement.

Libération

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