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Mauvais élève
Dépense publique faible, peu de procureurs, moins d’avocats qu’ailleurs… Un rapport du Conseil de l’Europe rappelle la faiblesse de l’appareil judiciaire français en comparaison des 43 autres pays membres de l’institution.
Le ministre de la Justice, Didier Migaud, avait prévenu que le budget 2025 de la justice ne serait «pas satisfaisant». Il apparaît aussi qu’il fait pâle figure quand on le compare à ceux des autres pays européens. C’est l’une des conclusions du rapport 2024 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (Cepej). Cette instance rattachée au Conseil de l’Europe évalue tous les deux ans les systèmes judiciaires des pays membres. En l’espèce, 44 pays ont pris part au processus. Les données datent de 2022, et ne tiennent pas compte des évolutions amorcées depuis, comme la loi de programmation du ministère de la Justice votée en octobre 2023, qui prévoit une hausse des effectifs judiciaires et du nombre de places de prison.
Le budget du système judiciaire se décompose, selon la méthodologie de la Cepej, entre le budget des tribunaux, celui du ministère public et celui de l’aide judiciaire. Certes, la France dépense légèrement plus pour son système judiciaire que la médiane des pays européens : 77,20 euros par habitant, contre 74,80 euros. Mais l’écart entre ces deux indicateurs tend à se réduire (ils étaient respectivement de 65,5 et 45,90 euros en 2014). Ce qui signifie que les dépenses de justice augmentent plus rapidement (proportionnellement à la population) dans les autres pays européens que dans l’Hexagone. De plus, la France demeure en retard quand l’on rapporte ses dépenses de justice à son produit intérieur brut (PIB) : 0,20 % contre 0,28 % pour la médiane des pays européens. Une situation qui n’a pas évolué depuis dix ans.
Pour les procureurs, dix fois plus d’affaires que la médiane européenne
La Cepej classe les 44 pays en 4 groupes, en fonction de leur niveau de richesse (évaluée en PIB par habitant). La France appartient au deuxième groupe le plus riche, aux côtés de l’Italie, de l’Espagne, du Royaume-Uni ou des pays baltes par exemple. Or, même au sein de ce groupe, la France est plutôt à la traîne, que ce soit en dépenses de justice par habitant (elle se classe derrière l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni notamment), ou relativement à la part du PIB que ces dépenses représentent (elle est dernière de son groupe).
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Les écarts avec le reste des membres du Conseil de l’Europe sont encore plus criants sur le plan des moyens humains. En 2022, la France comptait 11,3 juges pour 100 000 habitants (médiane européenne à 17,6). Et seulement 3,2 procureurs pour 100 000 habitants, ce qui place le pays avant-dernier du classement (la médiane européenne s’établit à 11,2). Parmi les conséquences identifiées par le Cepej : les procureurs français reçoivent chacun dix fois plus d’affaires que la médiane européenne (2027 contre 204). Qui plus est, le pays compte moins de «personnels non-procureurs» (qui assistent le procureur pour mener l’action du ministère public) : 0,6 pour 100 000 habitants, contre une médiane européenne à 14,7. Et même moins d’avocats : 106,6 contre 155,5.
«Pistes de travail»
«Cet exercice de transparence, indispensable au débat public sur l’avenir du système judiciaire, appelle à poursuivre les efforts déjà déployés pour sortir la Justice du sous-dimensionnement auquel elle a été trop longtemps réduite, écrit le ministère de la Justice français, dans un communiqué de presse réagissant à la publication de la Cepej. La simple lecture de ces chiffres fournit des pistes de travail sur lesquelles la chancellerie est d’ores et déjà à pied d’œuvre : le renforcement du parquet ; la nécessité de poursuivre la constitution des équipes autour du magistrat ; l’accélération du financement, du déploiement et de l’utilisation des outils numériques.» Et le ministère de conclure : «Le débat sur le projet de loi de finances pour 2025 sera l’occasion d’en évoquer de larges aspects.» Mais les linéaments du prochain budget ne dessinent pour l’heure pas une amélioration de la situation. Face au risque pour la place Vendôme de perdre 500 millions d’euros en 2025, Didier Migaud a d’ailleurs menacé en début de semaine de démissionner.
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