Espagne : emballement autour d’un meurtre (pas vraiment) élucidé par Google Street View

Espagne : emballement autour d’un meurtre (pas vraiment) élucidé par Google Street View

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Flagrant délit ?

Une info devenue virale assure qu’un malfaiteur présumé a été photographié au moment où il cachait un cadavre dans son coffre de voiture. Les enquêteurs sont beaucoup plus prudents.

Un meurtrier présumé qui introduit dans le coffre de son véhicule un sac contenant les restes de sa victime, pile au moment où une voiture de Google Street View passe dans son minuscule village et le flashe en flagrant délit… L’image, censée avoir conduit à l’arrestation d’un suspect, fait le tour du monde depuis mercredi 18 décembre, en même temps que cette histoire de malchance à peine croyable. Mais cette version semble une extrapolation d’informations données par la police espagnole, bien plus prudente dans son exposé des faits.

L’enquête a été déclenchée il y a plus d’un an. En novembre 2023, un Cubain immigré en Espagne signale la disparition inquiétante de son cousin de 33 ans, arrivé dans le pays moins d’un an auparavant. L’exilé a adressé un SMS à son parent où il l’informe qu’il a rencontré une femme, qu’il déménage et qu’il va se débarrasser de son téléphone. Ensuite, plus de nouvelles. L’homme juge que le message cadre mal avec ce qu’il sait de son cousin, avec qui il est en contact régulier, et suspecte qu’il n’en est pas l’auteur.

«Un torse humain en état de décomposition»

La police retrouve la trace du disparu à Tajueco, village d’une trentaine d’habitants dans la province de Soria, région rurale et en voie de désertification. C’est là que son téléphone a borné pour la dernière fois, et que se sont installés Alicia, une femme que le disparu avait épousée à Cuba, et son nouveau compagnon, Manuel, 48 ans. Aux dires des voisins, le couple a hébergé à plusieurs reprises le nouvel arrivant.

Le 12 novembre, soit un an après le signalement de la disparition, la police interpelle à Soria la Cubaine et Manuel, qui se sont entretemps séparés. Dans la foulée, peut-être à la suite des interrogatoires menés, des fouilles permettent de localiser dans le cimetière d’un village proche «un torse humain en état de décomposition avancée», identifié comme étant celui du trentenaire recherché. La police a d’ailleurs diffusé des images des fouilles.

La visite du fameux véhicule siglé Google, équipé d’un mât et d’une caméra rotative, intervient en octobre dernier. Sur une image postée sur le site (et semble-t-il supprimée depuis, mais largement diffusée ces derniers jours), on voit un homme, de dos, introduire un sac de plastique blanc plutôt sale à l’arrière d’une Rover couleur grenat.

Il s’agit bien du suspect interpellé le mois suivant, mais affirmer que le sac recèle des restes humains, c’est aller un peu vite en besogne. La police ne l’a pas affirmé, se limitant à noter que «certaines images repérées […] sur une application de localisation» figurent parmi les «indices» réunis dans le dossier. D’après une autre hypothèse évoquée par le journal local El Heraldo, le contenu du sac serait… des pommes de pin pour brûler dans la cheminée.

Un «Big Brother» lancé en 2007

Les relations du trio sont au cœur des investigations. Les médias espagnols avancent plusieurs pistes : la Cubaine aurait cherché à épouser Manuel, l’homme de Tajueco, afin de régulariser sa situation ; elle aurait en outre financé le voyage de son ex, arrivé de Cuba début 2023 après être passé par la Serbie puis l’Italie. Un autre élément intrigue les enquêteurs : pourquoi choisir un cimetière, lieu régulièrement visité, pour cacher un cadavre ?

Lancé en 2007, le service Google Street View a souvent été dénoncé comme un «nouveau Big Brother» agissant au mépris du respect de la vie privée. La maison mère s’est défendue en soulignant que toute personne qui se reconnaissait sur une image pouvait demander à être floutée. En 2011, en France, la Commission nationale Informatique et Liberté (Cnil) avait infligé à Google une amende de 100 000 euros, au motif que le «Google Car» qui sillonnait les rues siphonnait des données privées transitant sur des réseaux wifi non sécurisés : adresses mail, courriels, identifiants et mots de passe, noms, adresses postales, numéros de téléphone…

De nombreuses scènes insolites ont en outre été repérées sur le site au fil des années, par exemple cet enfant coincé dans une poubelle d’un jardin public à Lausanne. La photo n’a circulé qu’en 2022, soit douze ans après avoir été prise. En France, un habitant du Maine-et-Loire avait attaqué le géant d’internet en 2011 pour avoir publié une image où on le voyait uriner dans son jardin. «ll est devenu la risée de son village», avait plaidé son avocat, La photo avait été supprimée, et la justice avait laissé pisser.

Libération

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