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L’édito de Paul Quinio
Les ministres de la Justice et de l’Intérieur de François Bayrou incarnent le risque de dérive droitière de son gouvernement. D’autant que la compétition de leurs ambitions pourrait les pousser à la surenchère.
Un duo de choc, et bientôt un inévitable duel ? Après la surprise Manuel Valls ministre des Outre-Mer, la confirmation de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur et le retour, surprise lui aussi, de Gérald Darmanin, cette fois comme garde des Sceaux, sont sans aucun doute les nominations les plus commentées depuis l’annonce de la formation du gouvernement de François Bayrou. C’est une constante : le casting choisi pour ces deux postes régaliens en dit souvent très long sur les priorités de l’orientation générale d’une équipe qui s’installe. Une histoire de curseur entre l’attention portée à la sécurité des Français et le souci de la justice, de balance politique entre l’émotion que peuvent susciter des faits divers tragiques et la froideur du droit, d’équilibre entre d’un côté la dérive du temps court et de la réactivité comme boussole, de l’autre la lenteur et la stabilité de la justice.
Là, le choix est très clair. Avec l’ex-filloniste Bruno Retailleau place Beauvau et le sarkozyste Gérald Darmanin place Vendôme, François Bayrou assume une part un peu dissimulée de son profil de centriste : le souci très droitier de l’ordre. Le Premier ministre a bien tenté de faire diversion en insistant dans sa première interview sur l’importance d’avoir placé Elisabeth Borne et l’Education en tête de l’ordre protocolaire de ses ministres d’Etat.
Attendons donc la déclaration de politique générale pour voir si cet argument formel repose sur une réelle priorité de fond. Une indication tout de même : l’ancienne Première ministre a reconnu en arrivant ne pas être une spécialiste des questions d’éducation. Bruno Retailleau comme Gérald Darmanin ont à l’inverse construit depuis des années leur identité politique sur le nécessaire retour à l’ordre. François Bayrou y voit sans doute une preuve de son centrisme. Avec un pareil duo à l’Intérieur et à la Justice, on peine à y croire. Et que le duo se transforme rapidement en duel, vu les ambitions respectives de l’un et de l’autre, ne changera pas grand-chose à l’affaire. Au contraire, on sait où mène cette surenchère droitière : à préférer les peines de prison aux joies de l’école.
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