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La voix est grippée et le ton grave. Dans le Bureau Ovale, sa famille est présente, ainsi que sa vice-présidente Kamala Harris. La fin est proche. Les mots sont comptés, comme le temps. Les adieux télévisés à la nation américaine, mercredi 15 janvier au soir, auront duré dix-sept petites minutes. Et loin d’un long retour sur son bilan, le 46e président des Etats-Unis a préféré mettre en garde ses concitoyens, leur rappeler le risque d’érosion de la démocratie alors que les Etats-Unis risquent d’être gouvernés par «une oligarchie (qui) prend forme en Amérique».
A quatre jours de remettre les clés de la Maison Blanche à Donald Trump, son successeur, Joe Biden n’aura pu se résoudre à prononcer son nom. Pourtant, l’ombre du 45e et bientôt 47e président américain pesait lourdement sur son discours. Cette «dangereuse concentration du pouvoir aux mains de très peu de personnes ultra-riches» et les «conséquences dangereuses si leur pouvoir est laissé sans limites», le président sortant n’a pas mâché ses mots. «Je veux mettre en garde le pays contre certaines choses qui m’inquiètent grandement», a déclaré le démocrate de 82 ans, en agitant son stylo comme pour appuyer l’importance de ses propos. Cette oligarchie en cours de formation «menace concrètement notre démocratie tout entière, nos droits et libertés élémentaires», a-t-il prévenu, avant de souligner la naissance d’un «complexe technologico-industriel» au pouvoir immense, mené par le multimilliardaire Elon Musk, qu’il n’a pas non plus nommé et qui devrait obtenir un bureau à la Maison Blanche, tant que le patron de Tesla, X ou encore SpaceX restera dans les faveurs de Donald Trump.
Les observateurs n’ont pas manqué de relever que la mise en garde contre une oligarchie non élue autour de Donald Trump faisait écho à une remarque du président Dwight D. Eisenhower qui, dans son discours d’adieu le 17 janvier 1961, avait évoqué le danger du complexe militaro-industriel.
Elon Musk mais aussi Jeff Bezos, à la tête entre autres d’Amazon et Blue Origin, ainsi que Mark Zuckerberg, fondateur de Meta, assisteront lundi à l’investiture de Donald Trump. La «concentration de richesse et de pouvoir […] porte atteinte au sens de l’unité et du bien commun», a encore souligné Joe Biden. Alors que Meta a annoncé renoncer à ses opérations de fact-checking, il a déploré le fait que «les Américains sont ensevelis sous une avalanche de désinformation qui permet l’abus de pouvoir», en appelant à l’obligation pour les réseaux sociaux de «rendre des comptes» et à la mise en place des «garde-fous» sur l’intelligence artificielle.
«Il faudra du temps»
Joe Biden a rapidement défendu son bilan, et notamment le lancement de gigantesques plans d’investissement, mais s’est surtout alarmé des «forces puissantes», qui voudraient notamment «éliminer les mesures que nous avons prises pour affronter la crise climatique». Le président sortant a aussi rappelé «qu’il faudra du temps avant que les fruits de ce que nous avons fait soient cueillis». Comme s’il avait voulu prévenir les Américains que l’Histoire le jugera sans doute mieux qu’eux ne le jugent ces derniers temps, alors que sa cote de popularité est, depuis des mois, au plus bas. Seuls 36 % des Américains portent un regard positif sur sa présidence et 33 % ont de lui une opinion favorable, selon un sondage publié mercredi par la chaîne CNN. La solide croissance du pays et son taux de chômage très faible n’auront pas réussi à gommer pour les ménages américains la forte hausse du coût de la vie.
Alors qu’il a promis, depuis le résultat de l’élection en novembre, une transition apaisée – par contraste avec janvier 2021 et son investiture qui était intervenue quinze jours après les émeutes du Capitole du 6 janvier, Joe Biden a eu l’élégance de souligner une nouvelle fois l’effort conjoint de ses équipes et de celles de Trump pour arracher un cessez-le-feu à Gaza, annoncé quelques heures à peine avant sa prise de parole.
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Le président sortant a aussi rendu un hommage appuyé à sa vice-présidente, sa «formidable partenaire» Kamala Harris, à qui il avait cédé la place pour la course à la Maison Blanche en juillet dernier. Et, comme toujours, il a salué avec force et grâce les membres de sa famille. «Vous êtes les amours de ma vie et la vie de mon amour».
Cette allocution marquait la fin d’une époque et lançait le début d’un tourbillon de cinq jours au cours desquels la capitale américaine sera soumise à des mesures de sécurité exceptionnelles pour éviter tout débordement. Samedi, quelque 40 000 à 50 000 personnes sont attendues pour une «Marche du Peuple», en soutien à la démocratie et en opposition à Donald Trump. Dimanche, ce dernier célébrera une nouvelle fois son élection lors d’un «meeting de la victoire», puis, lundi, jour férié pour célébrer Martin Luther King, le 47e président des Etats-Unis prendra ses fonctions, pour un deuxième mandat, lors d’une cérémonie fastueuse.
«C’est désormais à votre tour de monter la garde», a conclu Joe Biden en s’adressant directement à son pays. «Soyez tous les porteurs de la flamme. Gardez la foi. J’aime l’Amérique. Vous l’aimez aussi […] Merci pour ce grand honneur».
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