Cessez-le-feu à Gaza : l’accord est-il le même que celui négocié il y a huit mois ?

Cessez-le-feu à Gaza : l’accord est-il le même que celui négocié il y a huit mois ?

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Après des mois de négociations, de bombardements incessants sur l’enclave palestinienne et d’angoisse pour les familles des otages israéliens, un accord de trêve a finalement été conclu entre le Hamas et Israël, négocié par le Qatar, les Etats-Unis et l’Egypte. Selon l’accord, que le cabinet de sécurité israélien a accepté de ratifier, la cessation des combats entrerait «en vigueur le [dimanche] 19 janvier». L’accord se décompose en trois phases, comme le proposait lui aussi le plan américain proposé par Joe Biden au printemps dernier. «J’ai exposé les contours précis de ce plan le 31 mai 2024, après quoi il a été approuvé à l’unanimité par le Conseil de sécurité des Nations unies», s’est ainsi félicité le président américain dans un discours prononcé après la confirmation de la trêve. De fait, l’accord sur la table aujourd’hui est quasiment semblable à celui qui avait été retoqué huit mois plus tôt. En témoigne le texte qui a fuité dans certains médias (comme Middle East Eye), se présente comme une «annexe» au texte du 27 mai, et se contente d’ajouter quelques détails et précisions, notamment logistiques.

Ce qui ne change pas

L’accord, comme celui de mai 2024, est structuré en trois phases de 42 jours, dont le cœur réside dans l’échange de 33 otages israéliens vivants ou morts «qui sont des femmes (civiles et soldats), des enfants (de moins de 19 ans qui ne sont pas soldats), des personnes âgées (de plus de 50 ans) et des civils malades et blessés», contre des prisonniers palestiniens retenus dans les prisons et centres de détention israéliens.

Il est convenu que le Hamas libère, dès le premier jour de la trêve, trois femmes otages civiles israéliennes. «Le septième jour, le Hamas libérera quatre autres femmes otages civiles israéliennes. Par la suite, le Hamas libérera trois otages israéliens tous les sept jours, en commençant par les femmes (civiles et soldats), et tous les otages vivants avant la libération des restes humains». De son côté, Israël s’engage à libérer 30 Palestiniens pour un civil israélien, et 50 si l’otage est un militaire.

Par ailleurs, dans les deux textes, il est fait mention d’une «aide humanitaire» pour Gaza, avec «jusqu’à 600 camions par jour», dont 50 camions-citernes. 300 camions sont réservés pour le nord du territoire. Ces chiffres n’ont pas évolué.

Les textes de mai et de janvier abordent aussi dans les mêmes termes la question de la reconstruction de l’enclave palestinienne, avec la mise en œuvre d’un plan d’une durée de trois à cinq ans pour les maisons, les installations civiles et les infrastructures civiles. L’Egypte, le Qatar et l’ONU mèneront ce processus de reconstruction.

Les deux textes soulignent également que l’ouverture de négociations directes entre les deux parties pour passer de la phase 1 à la phase 2 devra se faire «au plus tard le seizième jour» de la trêve.

Les points qui sont précisés

L’annexe de janvier vient apporter des détails nouveaux quant aux 33 otages libérés : les «neuf malades et blessés de la liste de 33 seront libérés en échange de la libération de 110 prisonniers palestiniens condamnés à la prison à vie». L’annexe ajoute aussi «qu’Israël accepte de libérer 1 000 détenus palestiniens détenus avant octobre 2023 et qui n’étaient pas impliqués dans l’attaque du 7 Octobre». Un nombre dont il n’était pas fait mention en mai dernier.

L’accord de mai stipulait que les otages israéliens âgés de plus de 50 ans devaient être libérés par le Hamas en échange de la libération de «prisonniers âgés (plus de 50 ans) et malades, dont le temps restant en prison est limité à quinze ans». L’annexe précise la «clé d’échange» : «1:3 pour les peines de prison à vie et de 1:27 pour les autres peines».

Le texte de mai expliquait que la libération de deux otages ayant été capturés respectivement en 2014 et 2015 – l’Ethiopien-Israélien Avera Mengistu et le Bédouin arabo-israélien Hisham al-Sayed – devait intervenir au cours des 24 jours de la trêve. L’accord de janvier reprend cette condition, et précise que ces deux otages seront libérés selon un «accord de 1 pour 30, ainsi que 47 prisonniers de Shalit» (des prisonniers qui avaient été libérés dans le cadre de l’accord Shalit de 2011 puis réarrêtés par la suite).

Dans les deux accords, il est fait mention du retrait progressif des troupes israéliennes de «certaines zones densément peuplées».

Le texte de mai mentionnait ainsi que durant la première phase, une cessation temporaire des opérations militaires des deux parties devait se mettre en place, accompagnée d’un «retrait des forces israéliennes vers l’est, loin des zones densément peuplées le long des frontières dans toutes les zones de la bande de Gaza, y compris la vallée de Gaza». Le corridor de Netzarim, qui sépare Gaza en deux, et le rond-point du Koweït sont notamment mentionnés. Il était aussi prévu une cessation temporaire des mouvements aériens dans la bande de Gaza pendant dix heures par jour, et de douze heures pour les journées de libération d’otages.

L’accord de janvier est désormais plus explicite sur le calendrier de réduction de la présence des troupes israéliennes dans ces différentes zones. «Les troupes israéliennes maintiendront un périmètre de 700 mètres autour de Gaza, avec des exceptions en cinq points s’étendant jusqu’à 400 mètres, et le redéploiement se fera autour du passage de Rafah sur la base de cartes convenues», peut-on maintenant lire.

La mention du Corridor de Philadelphie, une zone tampon de 14 kilomètres de long qui borde la frontière égyptienne le long du sud de la bande de Gaza, n’apparaît pas dans l’accord de mai. L’annexe négociée ces derniers jours crée, elle, un cadre spécifique à la réduction des effectifs de Tsahal dans cette zone stratégique. Le texte stipule désormais que la «partie israélienne réduira progressivement ses forces dans la zone du corridor» au cours de la phase 1. Puis le «retrait» de Tsahal de la zone débutera le jour 42, pour finir le jour 50. La nuance entre «réduire progressivement» et «retrait» n’est toutefois pas explicitée.

L’annexe de janvier ajoute des éléments supplémentaires à l’accord de mai quant au retour des déplacés internes. En mai 2024, le texte indiquait qu’au 7e jour de la trêve, les forces israéliennes devaient se retirer complètement de la rue Rasheed vers l’est jusqu’à la rue Salah ad Din, et que les déplacés pourraient revenir à leur lieu de résidence s’ils «ne portent pas d’armes». L’accord de janvier 2025 précise que ce retour se fera également «sans contrôle».

A partir de cette même journée, «les véhicules et tout trafic non piétonnier seront autorisés à revenir au nord du couloir de Netzarim après une inspection des véhicules qui sera effectuée par une société privée», ajoute l’accord le plus récent. Cette société, dont il n’était pas question il y a huit mois, sera choisie par les médiateurs.

En outre, pour le jour 22, l’accord de mai expliquait que les déplacés internes étaient autorisés à retourner vers le nord de Gaza depuis une autre localité, la rue Salah a-Din, jusqu’à une zone située le long de la frontière, le tout «sans port d’armes». Le texte de janvier 2025 ajoute que ces retours se feront, là aussi, «sans contrôle».

Le premier accord décrit que le transfert de tous les civils et des blessés par le passage de Rafah (poste frontières entre Gaza et l’Egypte) pourra être effectif seulement «après la libération de toutes les femmes (civiles et militaires)».

Le texte de janvier vient compléter ce passage, en notant que «les forces israéliennes se redéploieront autour du passage de Rafah», et que «50 militaires blessés seront autorisés à traverser chaque jour» ce passage, tout en étant accompagnés de trois personnes. Chaque traversée devra se faire avec une autorisation israélienne et égyptienne.

Si l’accord est quasi-identique, pourquoi a-t-il été signé maintenant ?

Co m ment expliquer que ce même texte soit l’objet d’un accord aujourd’hui, huit mois après avoir été soumis aux deux parti s ? La proposition d’accord formulée par Joe Biden en mai dernier avait, jusqu’ici, toujours été rejetée d’une part par Nétanyahou, qui affirmait début juin «qu’il n’y aurait pas de cessez-le-feu à Gaza tant que le Hamas ne sera pas éliminé sur le plan militaire et organisationnel», et par le Hamas d’autre part.

«Mais depuis huit mois, deux éléments liés au contexte géopolitique ont fait bouger les choses», explique à CheckNews Henry Laurens, titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France. «Le premier grand changement se passe sur le terrain. Il y a une reconfiguration majeure au Moyen-Orient, avec l’affaiblissement considérable du mouvement libanais du Hezbollah, l’offensive continue de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, mais aussi la chute du régime d’Assad en Syrie. En mai 2024, Israël était sur la défensive, attaqué de partout. Aujourd’hui, l’Etat hébreu triomphe et occupe des zones de l’Iran à la Syrie. Cela change la donne, et Nétanyahou peut se présenter comme vainqueur, ce qu’il n’était pas en mesure de faire au printemps», poursuit-il.

Henry Laurens précise également que le nom de Marwan Barghouti, responsable du Fatah et chef de la branche armée du Tanzim, «ne figure pas sur la liste des prisonniers libérés», un élément qui laisse transparaître «un rapport de force en faveur d’Israël». «Libérer Marwan Barghouti, que certains imaginent comme le Nelson Mandela palestinien, aurait pu changer la politique en Palestine. Mais les Israéliens ont visiblement refusé, et le Hamas s’y est plié, car ce n’était visiblement pas la condition la plus urgente pour le mouvement», complète-t-il.

Et l’historien de conclure : «Le deuxième aspect, c’est la pression américaine exercée par Donald Trump sur le Premier ministre israélien pour signer l’accord. Et Nétanyahou a aussi tout intérêt à donner l’impression que ce nouveau cessez-le-feu est du fait de l’intervention de Trump pour flatter son ego. Il sait que Trump va maintenant être le pivot de la politique mondiale et doit le garder de son côté.»

Libération

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