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S’informer, échanger, bousculer les certitudes sur des questions qui dérangent… Telle est l’ambition du Forum européen de bioéthique de Strasbourg. Au programme de cette quinzième édition, du 29 janvier au 1er février 2025 : la santé mentale.
En novembre dernier, sept familles françaises ont déposé plainte contre la plateforme TikTok. Au cœur de leur combat un algorithme accusé de détériorer la santé mentale des enfants en leur proposant des contenus vidéos mortifères, certains faisant l’apologie du suicide ou de la scarification. D’autres, normalisant certains troubles du comportement alimentaire. Parmi les enfants de ces familles, deux adolescentes de 15 ans se sont suicidées, quatre ont tenté de mettre fin à leur jour. Une dernière souffre d’anorexie mentale.
Cette action en justice est une première en France et jette une lumière sur un sujet qui inquiète : dans quel état est la santé mentale nos enfants ? On les dit enfermés sur leurs écrans, de plus en plus incapables de communiquer et dépourvus de tout espoir dans un monde qui leur génère de l’anxiété. Les adultes saisissent-ils vraiment l’enjeu de leurs préoccupations ? C’est autour de ces questions que se tiendra une table ronde à Strasbourg le 1er février.
Une étude de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) d’octobre 2024 révèle qu’à l’échelle mondiale un jeune sur sept, âgé de 10 à 19 ans souffre de troubles mentaux. Julie Rolling, pédopsychiatre aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg pointe des «facteurs individuels, sociétaux et globaux, liés à la mondialisation», pouvant amener à ces troubles. Responsable de la filière enfants, adolescents et famille du Centre régional du psychotraumatisme Grand Est, avec 6 000 consultations par an et 600 ados suivis, Julie Rolling constate une dette de sommeil qui s’est accentuée depuis 2015, avec près de deux heures de sommeil en moins, due en grande partie par la consommation nocturne des écrans. «Le Covid a mis en avant des problèmes relationnels, une peur sociale de l’autre», pose Maurice Corcos, psychiatre, psychanalyste. Egalement chef du service du département de psychiatrie de l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris, il insiste sur le fait que les enfants sont le parent pauvre de l’hôpital et du soin : «Avec seulement 500 praticiens, la pédopsychiatrie reste l’une des spécialités les moins choisies par les étudiants», indique-t-il. Un vrai sujet d’inquiétude pour Maurice Corcos car avec un nombre de praticiens divisé par deux en dix ans, les délais d’attente s’allongent entre six mois et un an pour une prise en charge. Et en attendant, les troubles peuvent parfois s’aggraver.
«On prend la mesure d’une société à la manière dont elle accueille ceux qui n’y trouvent pas leur place», observe François Ansermet. A Genève, en Suisse, le psychanalyste et professeur honoraire de pédopsychiatrie est à l’origine de la Maison de l’Enfance, lancée en 2023. «Le lieu est ouvert sur la cité et intègre l’enfant à la vie de la société, avec des activités autour de la culture, des arts et des sciences», explique-t-il. Peu adepte d’une approche «paternaliste», complètement négative sur la santé mentale des enfants, François Ansermet préfère par exemple d’ «éco-lucidité» plutôt que d’ «éco-anxiété». Les mots ont leur importance… Serge Tisseron nuance sur le même thème : «les jeunes sont déprimés certes, mais ils sont mobilisés ! Ils ne sont jamais autant investis dans des associations par exemple». Psychiatre et membre de l’Académie des Technologies, il rappelle qu’il «n’y a pas que du mauvais sur Internet» : «Il y a aussi des Youtubeurs qui sont bien ! La Commission européenne le reconnaît : l’éducation par les pairs fonctionne bien, notamment sur les sujets de santé chez les jeunes».
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