Ecologie : de l’importance de rester optimiste et actif

Ecologie : de l’importance de rester optimiste et actif

Главная страница » Ecologie : de l’importance de rester optimiste et actif

Le directeur de recherche CNRS au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive de Montpellier tient une chronique écologique pour «Libération» : «l’Albatros hurleur».

Sale temps pour les écologues. Malgré tous leurs efforts depuis un siècle et une avalanche d’études scientifiques qui démontrent l’impact des activités humaines sur les écosystèmes, la cause environnementale s’enlise dans la boue des populismes. Les crises géopolitiques actuelles, du conflit ukrainien à l’expansionnisme US sont, de fait, des guerres sans merci pour les ressources naturelles, au cours desquelles les puissants de ce monde mettent les écologues soigneusement au placard.

L’écologie ou « économie de la nature » nous donne pourtant tous les moyens d’effectuer un diagnostic, de proposer des solutions opérationnelles pour un futur juste et durable. Cette feuille de route évite notamment un pillage des ressources marines, une destruction des forêts et des sols cultivés, des pollutions diverses et les prochaines pandémies liées aux élevages industriels. Alors que certains médias créent de toute pièce le fantasme d’une écologie punitive, les écologues sont les lanceurs d’alerte, mais aussi les secouristes d’une biodiversité qui conditionne notre propre résilience.

Et quand un espace naturel a été bousillé par les humains, une restauration peut permettre de retrouver un bon état écologique. Ainsi, il est possible de renaturer les berges de grands fleuves comme la Loire, ou le Danube. Dès que la qualité de l’eau le permet, microorganismes, plantes et animaux reviennent.

Il est néanmoins beaucoup plus difficile de guérir que de prévenir, et la restauration écologique pose une question épineuse : qu’est-ce qu’un bon état écologique ? Celui de notre enfance, celui de nos aïeuls, d’avant la dernière glaciation ?

Je bavarde avec John Thompson, chercheur au CNRS et spécialiste de la sauvegarde de la flore « On a parlé un peu trop vite », concède John « malgré l’engouement des dernières décennies, la restauration prend beaucoup plus de temps que prévu. Notamment, même si les espèces reviennent, les fonctions écologiques ne sont pas pour autant restaurées. Il faut vraiment s’armer de patience. Près de Béziers, nous avons replanté des grandes quantités d’iris d’Espagne, cette belle plante menacée par l’artificialisation et la salinisation des sols. Dans les années qui ont suivi notre action, à laquelle les enfants d’une école locale ont participé, les plantes réintroduites semblaient disparaître. Pourtant, douze ans plus tard, on les voit fleurir dans des zones alentours. Notre initiative a rétabli la confiance des habitants, dans leur capacité à agir localement ».

Cette dimension psychologique est mise en exergue par une publication récente, intitulée « Au-delà du désespoir : de la restauration des écosystèmes à la résilience psychosociale »[1]. Les auteurs de l’étude, tous basés aux USA et certainement désespérés par le négationnisme environnemental de leur nouvelle présidence, soulignent trois bénéfices majeurs des programmes de restauration, pour notre santé mentale. Premièrement, ces initiatives rétablissent notre sentiment d’appartenance à un territoire. Planter des arbres, même si la sécheresse de l’été suivant les maltraitera, nous permet une activité physique qui nous reconnecte à la terre. Deuxièmement, il s’agit de restaurer un écosystème, mais aussi notre optimisme. Comme le notent les auteurs « n’oublions pas que les humains sont fondamentalement optimistes, car notre histoire évolutive nous a programmés ainsi. Ce trait de caractère contrecarre la paralysie du pessimisme et du désespoir, qui nous condamne au désengagement et à l’abattement. […] Pour cette raison, les activités pratiques de restauration sont précieuses, car elles rassemblent les gens autour d’un sentiment partagé d’optimisme face à la dégradation de l’environnement ». Ces activités restaurent également des structures sociales en déclin. Pour les auteurs de l’étude « les participants ont déclaré se sentir plus optimistes après chaque action, parce qu’ils avaient l’impression de faire partie d’un groupe où tout le monde était passionné et désireux d’aider ».

Alors, dans notre quotidien si sombre et anxiogène, au-delà des nécessaires protestations, manifs et blocages, n’hésitez pas à aider quelques plantes, quelques animaux à recoloniser une friche industrielle, une carrière ou un cours d’eau, cela contribuera peut-être à restaurer un écosystème, et cela vous fera pour sûr le plus grand bien.

(1) Smith, C. S., et al. (2025). Beyond despair: Leveraging ecosystem restoration for psychosocial resilience. Proceedings of the National Academy of Sciences, 122(2), e2307082121.

Libération