Donald Trump sermonné par l’évêque Mariann Budde : «Monsieur le Président, ayez pitié de ceux qui ont peur aujourd’hui»

Donald Trump sermonné par l’évêque Mariann Budde : «Monsieur le Président, ayez pitié de ceux qui ont peur aujourd’hui»

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Elle est montée sur la chaire, en chasuble blanche et rouge, devant un somptueux arrangement floral des mêmes teintes, les épaules ceintes d’une étoile noire, et elle a regardé l’assemblée, un léger sourire aux lèvres. Puis, d’une voix douce au timbre posé, elle a entamé son adresse : «Sans unité, nous construisons la maison de notre nation sur du sable» A ses pieds, au premier rang de la congrégation de la somptueuse cathédrale nationale de Washington, était assis un Donald Trump visiblement peu concentré, voire l’air profondément ennuyé, tripotant d’un air absent le programme du service, ou murmurant quelques mots à l’oreille de son épouse Melania, en manteau noir.

La tradition date de presque un siècle. Après la prestation de serment, les parades, les discours, les signatures dans le Bureau ovale de la Maison Blanche et enfin les bals dans les différents hôtels de la capitale, les cérémonies d’investiture d’un nouveau président se terminent le lendemain par un service interconfessionnel en grande pompe au sein de la cathédrale de Washington. La tradition a donc été respectée et, ce mardi 21 janvier, toute la famille du nouveau président, celle du vice-président JD Vance et un nombre considérable d’invités de marque s’étaient rassemblés dans l’église pour un moment censé célébrer l’unité de la nation. Des représentants des fois juive, musulmane, sikh, mormone et autres étaient également présents.

«Pas des criminels»

C’est dans cette même cathédrale qu’il y a moins de deux semaines, les cinq présidents américains encore en vie s’étaient rassemblés pour les funérailles du président Jimmy Carter, décédé le 29 décembre dernier. L’évêque Mariann Budde, cheveux gris coupés court et lunettes sur le nez, a poursuivi, imperturbable, évoquant selon elle les trois piliers de l’unité : l’honnêteté, l’humilité et la dignité. Donald Trump, toujours aussi peu concerné, a continué à trifouiller son programme. L’évêque a alors marqué une pause, s’est tournée vers le président et, d’une voix renforcée, a assené : «Laissez-moi vous implorer Monsieur le Président…». Donald Trump a relevé la tête, soudain attentif. «Des millions de personnes ont placé en vous leur confiance, et, comme vous l’avez dit à la nation hier, vous avez ressenti la main providentielle d’un Dieu aimant.» Lundi, lors de son discours d’investiture, le nouveau président avait évoqué la tentative d’assassinat dont il a réchappé en juillet dernier et insinué que Dieu l’avait épargné pour lui permettre de «rendre l’Amérique plus grande».

«Je vous demande d’avoir pitié des gens dans notre pays qui ont peur aujourd’hui». Melania Trump, plutôt souriante jusqu’alors, a alors réenfilé son masque renfrogné, alors que derrière elle, les enfants de Donald Trump ouvraient des yeux stupéfaits. «Ils sont gays, lesbiennes, transgenres, dans des familles démocrates, républicaines et indépendantes, certains d’entre eux ont peur pour leurs vies».

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Lundi, lors du premier jour de sa présidence, Donald Trump a signé des dizaines de décrets présidentiels dont un mettant fin aux programmes de diversité et d’inclusion. Le silence dans l’église est devenu pesant. Mariann Budde ne s’est pas arrêtée là. «Il y a aussi les gens qui ramassent nos récoltes, qui nettoient nos bureaux, qui travaillent dans les usines de volailles ou emballent notre viande, qui font la plonge après nos dîners dans des restaurants et travaillent la nuit dans nos hôpitaux, ils ne sont peut-être pas citoyens (américains)…». Donald Trump a secoué la tête, s’est un peu tortillé sur son banc. Imperturbable, l’évêque a poursuivi : «Ils n’ont peut-être pas les bons documents, mais la vaste majorité des immigrés ne sont pas des criminels, ils payent des impôts et sont de bons voisins, ils fréquentent nos églises, mosquées, synagogues, gurdwara et temples.»

«Pas très excitant, pas vrai ?»

Les sourcils froncés, Donald Trump, qui a promis d’expulser des milliers d’immigrés, a alors fixé l’évêque qui a soutenu son regard avant de terminer : «Je vous demande d’avoir pitié, monsieur le Président, de ces personnes au sein de nos communautés, dont les enfants ont peur que leurs parents leur seront arrachés, d’aider ceux qui fuient les zones de guerre et de persécution dans leurs propres pays, pour trouver compassion et bienvenue ici», a-t-elle ajouté en soulignant : «Nous avons tous ici été un jour des étrangers.» Et avant de conclure ses trois minutes courageuses par ces mots : «Que Dieu nous donne la force d’honorer la dignité de chaque être humain… pour le bien de notre pays et du monde.»

Donald Trump, qui n’avait pas prononcé de discours au cours de ce service fermé au grand public, s’est adressé aux journalistes qui l’attendaient à la sortie de la cathédrale. «Pas très excitant, pas vrai ? Ils pourraient faire vraiment mieux». Plus tard dans la nuit Quelques minutes après, la vidéo de l’allocution de l’évêque tournait en boucle sur les réseaux sociaux, alors que le membre républicain de la Chambre des Représentants pour la Georgie, Mike Collins, se fendait d’un message vengeur sur X : «La personne qui a prononcé cette adresse devrait être rajoutée à la liste des noms de personnes à déporter». Plus tard dans la soirée, Trump retrouvant son compte Truth social, lui emboîtait le pas, rhabillant l’évêque en «gauchiste radicale», contestant ses remarques sur l’immigration et la jugeant «méchante, pas convaincante ni intelligente» et réclamant des «excuses» de sa part et de l’église.

Le président Trump avait déjà été la cible de remarques cinglantes de Mariann Budde. En 2017, lors de sa première élection, elle avait dirigé la prière inaugurale de la nouvelle administration, avant de passer le reste de la journée à défiler dans Washington pour la Women’s March. En 2019, elle avait rendu public un message disant : «Après deux années d’actions et de mots de Trump, quand donc les Américains en auront-ils assez ?» Visiblement, pas encore.

Libération

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