Réseau X : comment les géants américains du pétrole, du plastique et des pesticides utilisent leurs tweets pour retarder l’action climatique

Réseau X : comment les géants américains du pétrole, du plastique et des pesticides utilisent leurs tweets pour retarder l’action climatique

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Les industriels des énergies fossiles, du plastique et de l’agrochimie se coordonnent et s’allient sur les réseaux sociaux pour désinformer sur le climat et retarder tout changement. Et pour cause : ces trois secteurs dépendent de l’extraction et l’utilisation d’hydrocarbures (pétrole, gaz et charbon), lesquels émettent les gaz à effet de serre à l’origine du bouleversement climatique en cours. Telle est la conclusion d’une étude récemment publiée dans la revue scientifique PLOS Climate, qui a analysé la communication stratégique sur X (anciennement Twitter), entre 2008 et 2023, des deux plus grandes entreprises (en termes de quantité de production) et de la principale association professionnelle dans chacun de ces trois secteurs des hydrocarbures aux Etats-Unis.

Soit ExxonMobil et Chevron pour le pétrole et le gaz, Dow Chemical et DuPont pour le plastique et Corteva Agriscience et FMC Corporation pour l’agrochimie. Pour les associations industrielles, les chercheurs ont sélectionné l’American Petroleum Institute (API), qui représente l’industrie pétrolière et gazière, l’American Chemistry Council, porte-voix du secteur des plastiques, et l’American Farm Bureau Administration, celui des producteurs de produits agrochimiques. «Il a été difficile de sélectionner deux entreprises distinctes au sein de chaque secteur, car le pétrole et le gaz, les plastiques et les produits agrochimiques sont profondément interconnectés, ayant fusionné et s’étant séparés avec d’autres entreprises de différents secteurs au fil du temps», précisent les auteurs. Par exemple, certaines sociétés, dont ExxonMobil et Chevron, ont des branches non seulement dans le secteur pétrolier et gazier, mais aussi dans celui des plastiques. De même, la consolidation dans l’industrie chimique a donné lieu à une fusion en 2015 entre Dow et DuPont, qui se sont scindées quatre ans plus tard en Dow, Dupont et Corteva, toutes trois engagées dans la production à la fois pétrochimique et agrochimique.

Plan B

Par ailleurs, rappelle l’étude, malgré «la reconnaissance des effets dévastateurs de l’énergie fossile sur le climat, de ses conséquences sur la santé humaine et de la destruction écologique qu’elle entraîne», les entreprises du secteur des combustibles fossiles ont «investi dans l’enracinement de la production de pétrole et de gaz en allant au-delà de l’énergie et en augmentant les utilisations finales non énergétiques des produits pétroliers, notamment les plastiques et les produits agrochimiques». Autrement dit, les sociétés pétrolières et gazières voient les plastiques comme un «plan B» pour leur industrie, alors que les Etats tentent de favoriser une transition vers une énergie et un transport propres. Et le secteur agricole est fortement dépendant des combustibles fossiles pour tout, des engrais aux pesticides. Ainsi, en 2020, environ 20 % du pétrole mondial était utilisé pour la production chimique, y compris les plastiques, et 24 % pour l’agriculture, y compris le transport, la commercialisation et la consommation dans ces secteurs.

Résultat, l’analyse de 125 340 tweets de 2008 à 2023 de ces entreprises et associations «montre que les sociétés de dérivés pétrochimiques et de carburants sont étroitement liées, qu’elles interagissent fréquemment entre elles et avec les décideurs politiques sur les réseaux sociaux, et que bon nombre des messages qu’elles partagent et renforcent pourraient être classés comme des obstacles à l’action en faveur du climat», écrivent les chercheurs.

Quand ils ne nient pas carrément la réalité du changement climatique ou la responsabilité de l’humanité dans celui-ci, les messages «ne reconnaissent pas le rôle des hydrocarbures fossiles dans les émissions et la pollution», remarque notamment l’étude. «Au contraire, beaucoup présentent l’industrie des hydrocarbures comme une partie de la solution aux émissions et à la pollution, ou détournent l’attention de la principale source de ces problèmes.» Et de citer un tweet d’ExxonMobil, daté du 9 décembre 2014 : «Découvrez comment @ExxonMobil contribue à améliorer la durabilité des pneus, à augmenter l’économie de carburant et à réduire les émissions de #CO2.»

Fausses solutions

Par ailleurs, l’industrie des énergies fossiles propose des approches qui ne s’attaquent pas à la crise climatique à grande échelle. Par exemple, illustre l’étude, «mettre l’accent sur le recyclage détourne les efforts de réduction de la production de plastique et des émissions associées vers une approche à court terme qui prolonge la production de plastique». L’intérêt d’ExxonMobil pour l’extension de la production de plastique est ainsi très clair dans la publication suivante, postée le 20 septembre 2022 : «Nous sommes les pionniers du recyclage avancé des plastiques pour réduire les déchets et améliorer la durabilité. L’une de nos chimistes, Stephanie Westbrook, partage son expérience à la tête de cette initiative.»

«La capture du carbone est un autre exemple d’une prétendue «solution» soutenue par le secteur des énergies fossiles pour détourner l’attention de la nécessité urgente de s’éloigner des combustibles fossiles», insistent aussi les chercheurs. Et de mentionner ce tweet d’ExxonMobil, daté du 6 octobre 2021 : «De nouvelles technologies de captage du carbone. Moins d’émissions de méthane. Moins de déchets plastiques. Il existe de nombreuses voies vers un avenir durable et de nombreux esprits se mobilisent pour y parvenir. Découvrez certains membres de notre équipe qui contribuent à y parvenir.» La capture du carbone, rappelle l’étude, «est une approche qui n’a pas encore été déployée à grande échelle, mais qui offre une couverture pour la poursuite de la production de dérivés pétrochimiques et de carburants». Comme le soutient l’API, avec ce tweet du 26 avril 2022 : «La capture, l’utilisation et le stockage du carbone sont essentiels pour débloquer des réductions d’émissions significatives dans l’ensemble de notre économie tout en garantissant l’accès à une énergie abordable et fiable.»

L’étude remarque par ailleurs qu’un thème notable a été constamment présent : les tweets sur le poids prétendument insupportable des contraintes réglementaires. Ou encore que les industriels s’emploient à renvoyer la responsabilité d’une quelconque action sur les individus ou sur d’autres pays comme la Chine. In fine, soulignent les auteurs, leur travail «contribue à une littérature croissante qui révèle la coordination et la coopération entre les intérêts des combustibles fossiles à travers le monde». Et de conclure que «davantage de recherches sont nécessaires pour répondre efficacement au pouvoir et à l’influence des industries pétrochimiques et à leurs efforts d’obstruction du climat».

Libération

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