Colombie : après une semaine sanglante entre guérillas, l’armée passe à l’offensive

Colombie : après une semaine sanglante entre guérillas, l’armée passe à l’offensive

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L’armée colombienne contre-attaque. Il aura fallu une semaine de combats, au moins 80 morts, et près de 40 000 déplacés pour que l’état-major se décide à passer à l’offensive dans le Catatumbo, région montagneuse à la frontière avec le Venezuela et contrôlées par différentes guérillas qui se livrent une guerre sans merci. Près de 9 000 militaires ont été déployés pour s’attaquer aux guérilleros de l’ELN, responsables d’avoir replongé cette forêt dense et isolée dans la violence.

Tout a commencé il y a près de dix jours lorsque la principale guérilla active entre la Colombie et le Venezuela s’est attaquée à ses rivaux dans cette zone stratégique, des dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) qui n’ont pas signé l’accord de paix en 2016. L’Armée de libération nationale (traduction française de l’ELN) s’en est aussi prise aux civils, massacrant des familles entières accusées de collaborer avec leurs ennemis. Le tout pour s’assurer un contrôle total de cette région qui produit 15 % de la cocaïne de Colombie, et dont la frontière avec le Venezuela est un point de passage stratégique pour l’exporter dans le reste du monde.

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Les forces armées ont justifié leur délai d’intervention par la nécessité, au cours de la première semaine, de donner la priorité à l’évacuation par hélicoptère des villageois des zones touchées par les combats. Selon le bureau du médiateur des droits de l’homme, les déplacements de population actuels sont les plus importants depuis 1997, quand ces données ont commencé à être recueillies.

«Prendre le territoire»

«Il y a déjà eu un premier combat de l’armée contre des membres de l’Armée de libération nationale. L’ordre est de prendre le territoire», a déclaré le ministre de la Défense Ivan Velásquez depuis la ville frontalière de Cúcuta, précisant que «toutes [les] capacités» étaient mobilisées «pour maîtriser [les guérilleros], afin que cette menace s’arrête».

Dans un bilan de situation, samedi, le général Luis Emilio Cardozo a assuré qu’au moins 104 dissidents de la guérilla des Farc ont remis leurs armes à l’armée, dont au moins une vingtaine de mineurs. La preuve, selon le chef de l’armée, que les guérillas «continuent à susciter la terreur au sein de la population civile par le recrutement forcé d’enfants et d’adolescents». Des centaines d’armes et d’explosifs ont aussi été saisies dans les premières heures de l’opération.

Vendredi, le président Gustavo Petro, lui-même ex-guérillero, a décrété l’état d’urgence à la frontière pour pouvoir intervenir et restaurer l’ordre dans le Catatumbo. Une semaine plus tôt, il avait suspendu les négociations de paix avec l’ELN, qui duraient depuis son arrivée au pouvoir en 2022. Les mandats d’arrêts contre ses chefs ont été réactivés, et une récompense d’environ 675 000 euros a été promise pour tout renseignement sur cinq d’entre eux. Selon les renseignements militaires, ils pourraient se trouver au Venezuela.

Tensions diplomatiques

Plusieurs experts voient d’ailleurs l’influence de Caracas derrière cette reprise brutale du conflit dans l’est de la Colombie. Bogotá accuse de longue date le Venezuela de soutenir et protéger les chefs de l’ELN. Le pays a d’ailleurs facilité la tenue de pourparlers entre le gouvernement colombien et la guérilla après l’élection de Petro. Mais depuis cet été, les relations entre les deux pays se sont rapidement dégradées alors que le président colombien, pourtant artisan du rapprochement avec Nicolás Maduro, a refusé de reconnaître la victoire de ce dernier à la présidentielle de juillet – le chef d’Etat vénézuélien est accusé par l’opposition d’avoir fraudé et n’a jamais présenté les preuves de son triomphe.

Malgré le différend, le ministre de la Défense Velásquez a déclaré avoir rencontré vendredi son homologue vénézuélien, Vladimir Padrino, dans la ville vénézuélienne de San Cristóbal, à la frontière avec la Colombie. «Nous sommes en train de renforcer les relations indispensables entre les commandants militaires et policiers», a indiqué le ministre, précisant que le Venezuela était disposé à collaborer.

Camouflet pour Petro

Cette crise sécuritaire, la pire depuis l’accord de paix avec les Farc en 2016, affaiblit aussi durement le premier président de gauche de la Colombie. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, Gustavo Petro a promis de mener à bien le processus de normalisation avec tous les groupes armés qui ont refusé de déposer les armes, guérillas ou paramilitaires. L’actuelle flambée de violences semble sonne le glas de son ambitieux plan de «paix totale» qui avait vu une réduction drastique des opérations militaires.

«En réalité, la “paix totale” de Petro donne de l’importance aux groupes armés, pas aux victimes, pas à la société civile», tacle Olga L. González, docteure en sociologue à l’EHESS, dans un éditorial du média en ligne La Silla Vacilla. Elle accuse le président colombien d’avoir rendu «rentable» le fait «de s’armer et d’exercer la violence afin d’être considérés comme des interlocuteurs valables, d’éviter les mandats d’arrêt et, finalement, d’être considérés comme des acteurs politiques». Il faut dire que le camouflet est de taille pour le chef de l’Etat : l’offensive de l’ELN dans le Catatumbo a éveillé les appétits guerriers d’autres groupes dans plusieurs régions du pays, faisant en tout plus de 100 morts en une semaine.

Libération

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