Procès du financement libyen : le chemin de croix de Sarkozy pour tenter de justifier la visite de Kadhafi à Paris

Procès du financement libyen : le chemin de croix de Sarkozy pour tenter de justifier la visite de Kadhafi à Paris

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Les images avaient, à quelques mois d’intervalle, fait l’ouverture des JT. Cinq infirmières bulgares et un médecin palestinien, prisonniers en Libye pendant neuf ans, victimes de tortures, enfin libérés, en juillet 2007, descendant d’un avion français. Puis, quelques mois plus tard, en décembre, le despote Mouammar Kadhafi reçu avec les honneurs de la République, sa tente plantée tout près du palais de l’Elysée, dans le parc de l’hôtel Marigny. Le tribunal correctionnel de Paris a interrogé, ce lundi 27 janvier, pendant près de cinq heures, l’ancien chef de l’État Nicolas Sarkozy à propos de ces deux événements et leurs potentiels liens avec les suspicions de financement libyen dans la campagne présidentielle de 2007.

La défense de Sarkozy repose sur un postulat : la visite officielle du tyran libyen à Paris est liée à la libération des soignantes bulgares et du médecin palestinien. Une «condition nécessaire» à sa venue. L’accusation a de son côté une autre version de l’histoire : la tente du dictateur libyen plantée dans les jardins attenants à l’Elysée est l’une des contreparties consenties par Sarkozy et ses lieutenants Claude Guéant et Brice Hortefeux pour obtenir un financement occulte.

Cette thèse, défendue à l’audience par le Parquet national financier, repose sur des «accusations grotesques», dit en préambule, Nicolas Sarkozy à la barre. D’un ton professoral, l’ancien président de la République rappelle au tribunal les événements attestant, avant son accession à l’Élysée, du rapprochement entre la France et la Libye, et surtout, du rôle de Jacques Chirac et de Dominique de Villepin, ses adversaires à droite, en la matière. «Le retour de la Libye dans la communauté internationale est bien antérieur à mon action, et ne concerne pas seulement la France mais le monde entier, avec la décision de l’ONU de lever les sanctions», dit-il dans son interrogatoire qui vire alors au sympathique exposé.

Takieddine, «un homme manifestement dérangé»

Le rôle de Sarkozy dans la libération des soignants détenus en Libye est aussi longuement exploré. L’ex-chef d’Etat affirme s’être soucié de leur sort dans l’entre-deux tours de l’élection présidentielle, en avril 2007, à la suite d’une rencontre avec leurs proches. Une fois élu, le champion de la droite envoie en Libye Claude Guéant et sa femme d’alors, Cécilia Sarkozy, pour finaliser la libération. «Ce sont des femmes qui sont dans cette situation épouvantable et je pense que c’est un geste personnel qui peut faire bouger les choses», justifie-t-il dans le rôle du sauveur.

La présidente Nathalie Gavarino rend le moment moins agréable, en rappelant le rôle en partie établi par l’enquête, de deux intermédiaires officieux, au cœur du pacte de corruption selon l’accusation : Alexandre Djouhri et, surtout, Ziad Takieddine qui affirme être l’artisan de cette libération. Concernant le premier ? «Ça n’est jamais arrivé à ma connaissance, je ne me suis pas entretenu avec lui à ce moment-là, et il n’apparaît dans aucune des discussions que j’ai eues avec les autorités libyennes.» Et le second, cet intermédiaire franco libanais, dont Sarkozy et ses deux plus proches collaborateurs, Guéant et Hortefeux, essayent à tout prix de se défaire ? «Monsieur Takieddine […] responsable de la libération à A à Z, c’est faux de A à Z», s’exclame-t-il. Puis, en rajoute une louche, quelques instants plus tard : «C’est un tissu de folie d’un homme manifestement dérangé.»

La magistrate rebondit. Et rappelle que le sulfureux entremetteur «dit des choses qui se sont révélées exactes», et cite une multitude de documents issus de ses archives numériques, attestant de sa bonne information, et d’échanges sur ce dossier avec Claude Guéant, alors secrétaire général de l’Elysée. L’enquête a notamment permis de retrouver un courrier de ce dernier, avec en-tête de la présidence, sollicitant l’avis de Takieddine. «Pour moi, copiner avec Takieddine c’était une erreur», tranche-t-il en l’absence des deux concernés. Claude Guéant est actuellement absent de l’audience pour raison médicale, et Takieddine est en fuite au Liban depuis 2020.

C’est ensuite la visite de Kadhafi à Paris qui est disséquée. Le dictateur libyen plante sa tente à quelques mètres du palais de l’Elysée, organise une balade et un déjeuner sur un bateau-mouche sur la Seine, chasse à Rambouillet dans un domaine de la République, visite le château de Versailles… «Ce n’était pas une visite d’État mais seulement une visite officielle», tente Nicolas Sarkozy comme argument de défense, en détaillant la différence de statut entre les deux.

Guéant, «d’une naïveté totale»

Là encore, le rôle de Takieddine apparaît dans les coulisses. Quelques jours avant l’arrivée du dirigeant libyen, Claude Guéant transmet à l’intermédiaire franco-libanais une note confidentielle du ministère des Affaires étrangères contenant le programme de la visite. Le secrétaire général de l’Élysée ajoute la mention manuscrite «exceptionnel» à côté de plusieurs événements prévus. «Tout le monde a accès à ce programme, monsieur Guéant a voulu survendre l’accueil de monsieur Kadhafi», se défausse une nouvelle fois Sarkozy. Avant d’ajouter : «Au minimum [Claude Guéant] a été d’une naïveté totale.» Une affirmation qui laisse «perplexe» la magistrate Gavarino qui, dit-elle, a du mal à imaginer qu’un haut fonctionnaire au parcours si brillant puisse être autant «naïf» dans ses relations avec Takieddine.

Le procureur de la République financier, Quentin Dandoy, en arrive au point crucial. Et si, cette visite était tout simplement une contrepartie du pacte corruptif noué avec le clan Kadhafi ? «Pour lui, la chose la plus importante c’est d’être invité à la table des grands, de revenir sur la scène internationale, et de l’argent il en a plein», rappelle-t-il. «Le pacte de corruption, il n’existe pas, rétorque Sarkozy. Au moment où l’on parlera de l’organisation de la campagne, on verra s’il y a matière à retrouver le corps de la personne assassinée, si vous me permettez cette expression.» Autrement dit, la trace de l’argent libyen.

Libération

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