Une école ouvre ses portes à Paris ! Une bonne nouvelle dans la capitale en proie aux fermetures de classes depuis quelques années. Sauf que la petite dernière ne bénéficiera pas aux plus petits. La semaine dernière, Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l’Education nationale, a présenté sa Terra Academia, nouvel établissement de la « transformation écologique », rue Marcadet (18e arrondissement). Ecole ou plutôt campus car des Terra Academia ont déjà vu le jour à Arras (Pas-de-Calais) et Deauville (Calvados) ces derniers mois. Mais l’établissement « Paris-Montmartre » pourrait faire office de vaisseau amiral de la grande flotte qu’ambitionne Jean-Michel Blanquer pour révolutionner la formation.
Créée à l’initiative de l’ancien ministre et de l’entreprise Veolia, cette école est définie comme un « accélérateur de la transformation écologique ». À 20 Minutes, Jean-Michel Blanquer explique : « Nous souhaitons faire un diagnostic de la situation écologique du territoire dans lequel est implantée l’école, des compétences qui existent et celles qui devraient exister. » Pour résumer, le président de Terra Academia prend un exemple en cours : « Nous avons estimé à 10.000 le nombre de passoires thermiques autour de la ville d’Arras. Pour y remédier, la situation nécessite 500 couvreurs pendant trois ans, or il n’y en a que 200. Cela veut dire qu’il faut en former 300. »
La promesse du « sur-mesure en fonction des besoins »
Aussi, en coalition avec des entreprises et institutions académiques locales, Terra Academia ambitionne de monter les formations nécessaires pour remédier à ce problème. Une formation est d’ailleurs déjà en cours d’élaboration dans la région avec l’entreprise Leroy Merlin. Une vision très « pragmatique » que Jean-Michel Blanquer veut appliquer partout en France. Après Arras, Deauville et désormais Paris, l’ancien ministre ambitionne d’ouvrir une école dans chaque région de France d’ici 2030, tout en créant de l’emploi. Sur les 400.000 à 500.000 emplois que pourrait créer la transformation écologique, Terra Academia pourrait en former 60.000, selon son président.
Des formations qui pourraient avoir des formes très diverses. Une « souplesse » qui pourrait aboutir à des diplômes du CAP au Master, mais aussi à des formations continues pour les entreprises. « Nous ferons du sur-mesure en fonction des besoins », commente Jean-Michel Blanquer.
Mais quelle différence peut-il y avoir avec les formations déjà existantes dans les universités et écoles sous contrat avec l’Etat ? « Notre offre est co-construite avec ce qui est déjà proposé. On analyse les formations sur place. Si une formation existante est pertinente à 70 % avec ce dont les acteurs locaux ont besoin, nous complétons le reste. » Surtout, l’ancien ministre espère mobiliser de nouveaux publics et rendre ces formations (et les métiers qui vont avec) « attractifs » en les présentant à des jeunes « éloignés de l’emploi » pendant trois jours qui pourraient ensuite être intéressés et s’engager.
Financement privé et public
Pour se faire, l’école s’appuiera sur l’Institut des Hautes études de la transformation écologique auquel est adossé un prestigieux conseil scientifique. Jugez plutôt : Claudie Haigneré (spationaute), Franck Chauvin (spécialiste de la prévention en cancérologie), ou encore Jean-Marie Tarascon (grand ponte de la batterie électrique). Une équipe qui devra développer une écologie positive, chère au macronisme, et ne pas s’arrêter à l’écologie sombre et pessimiste comme le soulignait François Gemenne, autre membre du conseil scientifique à la présentation de Terra Academia de Paris.
Pour vivre, l’école bénéficiera du financement d’entreprises et de collectivités locales, complétées par un financement des étudiants eux-mêmes, qui pourront utiliser leurs droits à la formation s’ils en disposent encore. Des financements dont nous ne pouvons malheureusement pas connaître les montants…
Une école soutenue par des groupes privés pour former de futurs soldats de la transformation écologique ne risque-t-elle pas de voir ses programmes influencés par les intérêts de ses financeurs ? Non, assure Jean-Michel Blanquer : « Il est normal d’être au plus près des besoins des entreprises, c’est le but. Mais on ne le fera que dans le sens de la transformation écologique. C’est un format très classique. »
Inquiétude à l’Institut Agro
Un adossement à des intérêts privés qui questionne tout de même et inquiète même les personnels et étudiants de l’Institut Agro (Institut national d’enseignement supérieur pour l’agriculture) qui pourraient entrer en partenariat avec Terra Academia. D’abord étonnés que l’ancien ministre de l’Education nationale puisse penser que la formation et l’engagement des établissements publics d’enseignement et de recherche sur la transformation écologique méritent un complément venant du privé, y voyant également un « mépris ».
Mais également inquiets face au risque de voir « le contenu des formations soit dicté par les intérêts privés des entreprises plutôt que par l’intérêt général », comme l’explique Chiara Pistocchi, enseignante-chercheuse de l’Institut Agro à nos confrères de Reporterre.
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