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La scène n’a même pas duré une seconde. A l’époque, elle avait immédiatement inondé les réseaux sociaux et écrans télés du monde entier. Devant des milliers de caméras et de téléphones portables sortis par le public présent à Melbourne, ce soir-là d’août 2023, pour assister à la finale de la Coupe du monde féminine de football, Luis Rubiales embrasse sur la bouche, sans son accord, la capitaine de la sélection victorieuse Jenni Hermoso, sur le podium, lors de la remise des médailles.
C’est pour cet «acte impulsif et sexiste, déplacé et sans aucun consentement», selon Hermoso, ce «petit bisou consenti» dixit Rubiales, que l’ex-président de la fédération espagnole doit comparaître à partir de ce lundi 3 février jusqu’au 19 février. Ce baiser pourrait conduire l’ancien dirigeant derrière les barreaux pour deux délits : le premier d’«agression sexuelle» – ce que permet une récente réforme du code pénal – le second de «coercition». Deux délits pour lesquels les réquisitions présentées par le parquet (c’est la coutume en Espagne) sont respectivement de deux ans et d’un an et demi de prison. Le ministère public demande également que Luis Rubiales soit placé pendant deux ans en liberté surveillée après l’accomplissement de sa peine et qu’il verse 50 000 euros d’indemnités à la joueuse pour le seul délit d’agression sexuelle.
L’ancien homme fort du football espagnol ne sera pas seul sur le banc des accusés. Seront également jugés le directeur sportif de l’équipe masculine Albert Luque, l’ancien entraîneur de l’équipe féminine Jorge Vilda ainsi que l’ancien directeur marketing de la Fédération Rubén Rivera pour «les pressions» exercées ultérieurement sur la joueuse pour étouffer l’affaire.
De son côté, Luis Rubiales a fait tout ce qu’il fallait pour en accentuer l’écho. L’ancien joueur, 47 ans, s’était accroché comme un beau diable à son poste, refusant dans un premier temps de démissionner. Il avait évacué toute «connotation sexuelle», et plutôt évoqué pour sa défense son «émotion», «un moment de bonheur, une grande joie à ce moment-là», alors que la «Roja» venait d’être sacrée championne du monde pour la première fois de son histoire contre l’Angleterre. Il s’en était pris, lors d’un discours retentissant cinq jours plus tard, au supposé «faux féminisme» qui entourait l’affaire, arguant avoir obtenu l’autorisation d’Hermoso avant de l’embrasser. Version démentie par l’intéressée. La joueuse a dit s’être «sentie vulnérable et victime». Sous pression, il avait fini par claquer la porte trois semaines plus tard, s’estimant lui-même victime d’une «campagne disproportionnée».
Au terme de son enquête concluant au renvoi en procès, le juge Francisco de Jorge avait tranché dans le sens d’Hermoso, affirmant qu’il s’agissait «d’une initiative unilatérale, faite par surprise», tel que l’a souligné le tribunal de l’Audience nationale. Pour le juge, ce baiser «affecte la sphère de l’intimité réservée aux relations sexuelles, notamment dans le cadre de deux adultes».
Luis Rubiales a d’ores et déjà été suspendu pour trois ans de toute activité liée au football par la Fifa, une décision dont il a fait appel. Hermoso, 34 ans, est devenue malgré elle un symbole mondial de la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Plus d’un an et demi après, l’affaire crispe toujours le foot espagnol. Il y a quelques semaines, Jenni Hermoso n’a pas été convoqué pour disputer deux matchs amicaux avec la Roja. Elle avait témoigné dans un documentaire diffusé sur la plateforme Netflix consacré à l’affaire Rubiales. Ce qui, selon la presse espagnole, lui aurait coûté sa place dans le groupe.
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