«Certains vont perdre leur statut d’intermittent» : les artistes ulcérés par le gel brutal du pass culture collectif

«Certains vont perdre leur statut d’intermittent» : les artistes ulcérés par le gel brutal du pass culture collectif

Главная страница » «Certains vont perdre leur statut d’intermittent» : les artistes ulcérés par le gel brutal du pass culture collectif

«Depuis peu, nous animions des ateliers de théâtre au sein d’une classe de Segpa, ça n’a pas été simple à mettre en place, et d’un coup, on apprend que c’est terminé.» Emilie Lambert, fondatrice de la compagnie LAPS /équipe du matin, ne cache pas son amertume. Les séances dont elle parle étaient rendues possibles grâce au pass culture, qui accorde un budget aux établissements scolaires pour financer des activités culturelles, appelé «part collective». Vendredi 31 janvier, le ministère de l’Education nationale a annoncé dans un mail le gel du dispositif pour l’année en cours, une information qui alarme la comédienne et metteuse en scène. Alors, comme plusieurs autres professionnels de la culture, elle est allée manifester devant l’Assemblée nationale ce lundi 3 février.

«Au-delà de la création, cette décision affecte directement la jeunesse», souligne Carine Piazzi, comédienne à l’initiative de ce regroupement spontané. De plus, l’annonce survient dans un moment où «la culture est mise à mal et subit de grosses coupes» comme c’est le cas dans les Pays de la Loire ou dans l’Héraut.

Politique culturelle

Près du Palais Bourbon, une cinquantaine de personnes sont présentes, brandissent des pancartes, tandis que des policiers commencent à se rapprocher. La manifestation n’est pas déclarée à la préfecture, «ça s’est fait rapidement car on voulait venir le jour où le gouvernement est rassemblé», souligne la comédienne. Et tandis que les forces de l’ordre dissipent les personnes présentes au bout d’un petit quart d’heure, Carine Piazzi dit espérer «que les syndicats proposent d’autres manifestations».

Désormais, «une vingtaine de dates prévues» pour la compagnie LAPS /équipe du matin «sont suspendues. On ne sait pas comment on va boucler les budgets», déplore la metteuse en scène Emilie Lambert. Rémi Prin, chargé de programmation au sein du théâtre des 3T à Saint-Denis, venu avec des collègues, abonde et fait état d’annulation de plusieurs événements prévus avec des classes, «au moins une quinzaine», ce qui met directement en péril le lieu culturel.

D’ailleurs, en amont des représentations, il y a «du temps de travail administratif» ainsi que des «heures de représentations» qui ne seront pas payés, ajoute Fanélie Honegger, administratrice de six compagnies de théâtre. Plusieurs comédiens en faisant partie sont menacés, comme Alice qui a vu ses missions réduites de moitié suite à cette annonce, et doit «trouver des heures assez rapidement» pour conserver son intermittence. «Certains vont probablement perdre leur statut d’intermittent», regrette Fanélie Honegger.

«On ne sait pas s’il s’agit d’un gel ou d’une véritable coupe. Et bien sûr, il y a de la violence dans le timing», soupire Zacharie, comédien. Les professionnels de la culture ont été prévenus de façon brutale, ainsi que le raconte Emilie Lambert. Celle-ci a reçu un mail officiel émanant de l’organisme du pass culture vendredi, qui donnait aux artistes jusqu’au soir pour finaliser les détails administratifs de leurs dates prévues dans le milieu scolaire. Carine Piazzi déplore à l’unisson «une annonce faite sans la moindre concertation avec les acteurs de la culture. Un jeudi soir, comme ça, nous apprenons que les projets qui ne sont pas validés d’ici la fin de la journée du lendemain n’auront pas lieu». Et encore, c’était sans compter les dysfonctionnements de la plateforme, qui ont porté préjudice à plusieurs d’entre eux.

«Ce matin, le syndicat était en réunion d’urgence pour évoquer le pass culture», assure David Ruellan, comédien, metteur en scène et élu du Synavi (Syndicat national des arts vivants), présent au rassemblement. Dans son compte rendu qu’il partage à Libération, il est question des «conséquences désastreuses de la suspension» du pass culture, notamment le fait que les dates en cours de validation soient tout simplement annulées. Le syndicat souhaite «obtenir un délai supplémentaire pour valider les offres en cours» mais aussi «une réaffectation de la part individuelle du dispositif» dans le spectacle vivant.

Sarah Legrain, députée LFI et vice-présidente de la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation, est venue en soutient au mouvement, et dénonce une mesure qui «laisse les professeurs sur le carreau, ainsi que les travailleurs du monde de l’art». Cette annonce est un «coup de force» du gouvernement qui n’a même pas encore fait voter son budget, déplore-t-elle. Il aurait plutôt fallu s’attaquer à la part individuelle du pass culture «dont profite surtout la grosse industrie», et qui «est très inégalitaire». En outre, l’annonce de Rachida Dati d’intégrer au pass culture l’accès au spectacle du Puy du fou témoigne d’une «connivence avec l’extrême droite», observe la députée, qui fustige une «casse du secteur culturel».

Libération

Post navigation

Leave a Comment

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Emile de Girardin, homme de prouesses

Adeline Wrona, professeur à la Sorbonne, signe la biographie d’un personnage énigmatique mais visionnaire : Emile de Girardin. Si son nom est oublié, les lecteurs de journaux lui doivent tout…