«Les bons gestes» pour moins consommer d’énergie cet hiver ont-ils vraiment un impact ?

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Alors que le budget 2025 prévoit de sabrer dans les investissements pour la transition énergétique, le gouvernement a lancé la troisième édition de la campagne de sensibilisation «Chaque geste compte».

Baisser le chauffage à 19 °C et installer un thermostat programmable, régler le chauffe-eau à 55 °C et prendre des douches plus courtes, éteindre les lumières et les appareils en dehors de leur utilisation, lancer sa machine à laver en heures creuses, ou encore privilégier le covoiturage et lever le pied en conduisant… «On sait !» Le ministère de la Transition écologique a tenté l’humour pour le lancement de la troisième édition de la campagne de sensibilisation «Chaque geste compte», ce lundi 21 octobre, sur les économies d’énergie et les conseils de sobriété pour cet hiver, avec ce gimmick repris dans des spots TV.

«Le parti pris de la nouvelle campagne est de considérer que les Français ont intégré ou connaissent ces gestes clés, mais qu’une automatisation de ces gestes reste encore à intégrer dans notre quotidien», justifie le ministère dans un communiqué. Mais en tant que consommateur, peut-on vraiment changer la donne ? «Si c’est juste éteindre la lumière, c’est sûr que ça n’aura pas un vrai impact, mais baisser son chauffage d’un degré représente 7 % d’économie d’énergie, donc l’effet est réel», estime Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau action climat. Dans le même temps, «une partie de la population n’a pas les moyens de bien se chauffer», observe la spécialiste. Et d’ajouter : «La campagne ne s’adresse pas à eux mais aux gros consommateurs.»

L’angle mort du transport aérien

La prise en compte des heures creuses, de son côté, joue surtout un rôle sur la production d’énergie. «C’est utile pour équilibrer la demande, sinon vous construisez un système pour alimenter un pic de consommation, qui implique de produire énormément pendant une période et donc de relancer des centrales à charbon, ce qui est néfaste pour l’environnement», explique Anne Bringault. Si jusqu’ici on recommande plutôt de lancer les machines à laver ou autre la nuit, quand l’activité est faible, le développement des énergies renouvelables va progressivement changer la donne. «Il faut adapter la consommation d’électricité au moment où elle est produite en plus grande quantité», et donc de plus en plus la journée.

Mais la consommation d’énergie à domicile n’est qu’une partie du problème : en 2022, le secteur des transports était le premier consommateur d’énergie (34 %), suivi du résidentiel (28 %), de l’industrie (18 %), du tertiaire (17 %) et enfin de l’agriculture (3 %). Même en se concentrant uniquement sur les habitudes de consommation des particuliers, la campagne comporte un «angle mort» qui pèse, et ce peu importe les saisons : le transport aérien. «L’usage de l’avion a un impact individuel très important, puisque si vous effectuez un Paris-New York dans l’année, vous avez consommé [et même dépassé, ndlr] l’ensemble des 2 tonnes de CO2 par personne», l’enveloppe annuelle individuelle recommandée pour limiter le réchauffement climatique.

Un tiers de la baisse de consommation liée aux industriels

Selon le ministère, les chiffres sont là. Entre août 2023 et juillet 2024, tous secteurs confondus, la consommation d’énergie a baissé de 12,7 % par rapport à la même période en 2018-2019, après une première baisse de 12,2 % en 2022-2023. L’objectif donné lors de la première campagne en 2022 était de réduire de 10 % la consommation d’énergie sur la période 2022-2024 par rapport à 2019. Des chiffres qui sont à relativiser. Dans son «bilan électrique 2023», RTE estime «que la conjoncture macroéconomique dégradée a été un facteur d’autant plus déterminant dans la baisse de consommation d’électricité en France et en Europe». En résumé, la baisse de la production industrielle est l’une des raisons de la baisse claironnée par le gouvernement, à tout le moins sur le volet électrique. Et non des moindres : «27 % de la baisse structurelle de consommation est attribuable aux grands consommateurs industriels, alors que ces derniers ne représentaient qu’environ 14 % de la consommation d’électricité sur la période 2014-2019.»

Pas de quoi pondérer l’analyse optimiste du gouvernement. «Cette dynamique positive doit se poursuivre à moyen et long termes, a commenté la ministre Agnès-Pannier Runacher. […] L’énergie que l’on ne consomme pas, c’est celle que l’on ne paie pas. Nous devons donc poursuivre sur ce chemin. Chaque geste compte !» Selon RTE, la sobriété est en effet essentielle puisqu’elle fait partie des quatre piliers pour que la France atteigne la neutralité carbone en 2050, avec l’efficacité énergétique, la disponibilité du nucléaire et le développement des énergies renouvelables. Autant de chantiers dont l’avenir dépendra aussi de l’examen du projet de loi de finances, à partir de ce lundi 21 octobre. Entre le coup de rabot envisagé de 1,5 milliard d’euros du fonds vert – destiné, justement, à l’efficacité énergétique – ou encore la baisse prévue de 33 % des aides à l’électrification des voitures électriques, les «petits gestes» pourraient paraître bien dérisoires, face aux «grands gestes» que le gouvernement s’apprête à moins financer.

Libération

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