Les motions de censure s’enchaînent et ne se ressemblent pas. La France insoumise en a déposé deux, après que le Premier ministre François Bayrou a utilisé lundi 3 février l’article 49.3 de la Constitution dans le cadre du projet de loi de finances 2025 et du budget de la sécurité sociale. Le Parti socialiste, lui, a annoncé lundi 3 février qu’il ne les votera pas, en a déposé une autre, qui sera étudiée la semaine prochaine.
Dans la Constitution, l’article 49 alinéa 2 régit le dépôt de toutes motions de censure, qu’elles soient déposées après le déclenchement d’un 49.3 par le Premier ministre ou celles dites «spontanées». «Il n’y a aucune différence entre les deux motions, précise le constitutionnaliste Benjamin Morel. Les deux sont déposées grâce à l’article 49 alinéa 2 de la Constitution.» D’ailleurs, le terme «spontanée», utilisé pour qualifier celle déposée par le PS, n’a aucune valeur légale selon le chercheur.
Le billet de Thomas Legrand
La seule différence entre les deux motions de LFI et celle du PS est donc le motif. Celles déposées par la France insoumise sont liées à l’utilisation du 49.3 par François Bayrou qui permet d’adopter sans vote le projet de loi de finances et le budget de la sécurité sociale. Le Premier ministre engage ainsi sa responsabilité devant le Parlement. Ce sont les 84e et 85e motions de censures déposées après un 49.3 depuis le début de la Ve République. Une situation qui a déjà valu à Michel Barnier de perdre son poste à Matignon, le 4 décembre dernier.
En revanche, celle déposée par le PS n’est pas liée à l’utilisation du 49.3 par le Premier ministre. Le PS reproche à François Bayrou l’utilisation de l’expression «submersion» migratoire – terme appartenant au registre de l’extrême droite -, lors d’une interview sur LCI lundi 27 janvier. Elle vise pourtant le même objectif que LFI : faire tomber le gouvernement.
Mais pourquoi le PS a déposé une motion de censure «spontanée» après avoir annoncé qu’il ne voterait pas celle de La France insoumise si le résultat peut également déclencher la chute du gouvernement Bayrou ? «Les socialistes ont une vraie préoccupation d’empêcher le pays de se retrouver sans budget», analyse le politologue Frédéric Sawicki. Un argument qu’avance le Premier secrétaire du PS Olivier Faure pour justifier la position du PS. «La situation ne peut durer, il faut un budget pour la France», estime le député de Seine-et-Marne dans un entretien accordé à Libération lundi 3 février. Un argument que rejette la France insoumise qui a fait de la démission de François Bayrou une priorité.
Si les socialistes souhaitent l’adoption d’un budget, c’est qu’ils ont une forte implantation locale : «Les socialistes sont des élus locaux, ils sont confrontés à des baisses des budgets dans les collectivités beaucoup plus que les insoumis», décrypte Frédéric Sawicki. Selon le décompte du ministère de l’Intérieur, il y a 738 conseillers départementaux socialistes contre seulement 6 insoumis. En 2020, plus de 2 500 conseillers municipaux étaient rattachés au PS contre seulement 46 à LFI.
«En déposant leur propre motion de censure, les socialistes veulent aussi prouver qu’ils sont bien dans l’opposition», analyse Benjamin Morel. «Nous voulons un budget pour ce pays, nous ne soutenons pas ce gouvernement», a d’ailleurs insisté le chef de file des députés socialiste dans la matinale de Franceinfo ce mercredi 5 février. Boris Vallaud n’exclut de faire chuter le gouvernement la semaine prochaine, avec le soutien de voix du Rassemblement national. Le parti d’extrême droite a d’ailleurs déjà voté la motion de censure déposée par LFI en décembre dernier, provoquant le renversement du gouvernement Barnier.
Pour Frédéric Sawicki, «la stratégie du PS est tout aussi confuse que celle du Rassemblement national. Les deux partis sont dans l’opposition mais en même temps ne veulent pas paraître pour les responsables du désordre». Si le RN ne devrait pas voter ce mercredi les motions de censure déposées par LFI, il ne s’est pas encore exprimé sur celle du PS.
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